Entretien, RSE | Marine Pescot, fondatrice d’Eqolux « La transformation durable doit être rentable ! »

La Tribune de l’Hôtellerie : Bonjour Marine, vous avez fondé Eqolux en 2020. Pouvez-vous nous parler de l’origine de votre entreprise et ce qui vous a poussé à lancer ce projet ?

Marine Pescot : En réalité, Eqolux est l’aboutissement d’un long périple entrepreneurial et d’un pivot récent. Passionnée par la technologie et la data, mes premières expériences professionnelles m’ont permises de découvrir l’univers des grands groupes (CAC40), de les accompagner dans leur transformation digitale puis de rejoindre l’univers start-up chez Sendcloud. C’est cette dernière expérience qui me donne le goût d’entreprendre mais l’occasion ne se présente pas. En 2019, ma rencontre avec Benoît Formet m’offre cette opportunité sur un plateau, un hasard total auquel je ne m’attendais pas. Lui venait de l’hôtellerie et décidait de tout quitter pour réaliser son rêve, celui de traverser l’Atlantique en solitaire lors de la Mini-transat. Nous avons alors monté un projet de sponsoring du bateau autour des enjeux zéro plastique afin de sensibiliser les entreprises à la préservation de nos océans. Benoît nous a permis de rencontrer un premier hôtel Best Western qui a tout de suite rejoint le projet et engagé une transformation durable à nos côtés. C’était une première pour nous, pour le groupe et pour le marché français.

Eqolux, la technologie au service d’une hôtellerie durable et responsable.

La Tribune de l’Hôtellerie : Justement, vous mettez aujourd’hui l’accent sur le pilotage et la réduction de l’impact (notamment carbone) dans le secteur de l’hôtellerie. Pourquoi avoir choisi ce secteur en particulier ?

Marine Pescot : J’ai découvert l’hôtellerie grâce à ce premier projet en collaboration avec Best Western. C’est désormais un secteur que j’affectionne particulièrement puisqu’il allie des valeurs qui me sont chères comme l’artisanat, l’art de recevoir, le partage, l’excellence et l’esprit d’équipe. Derrière chaque hôtel, il y a des équipes opérationnelles qui, malgré un secteur en tension, ne cessent de se former pour offrir une expérience unique à leurs clients. Le luxe est moteur d’une transformation durable et responsable à grande échelle. Naturellement, ils sont souvent les premiers à innover, à proposer des solutions et à les imposer à leurs parties prenantes. Mais il y a de bonnes initiatives partout, en région ainsi qu’à l’étranger avec de très belles marques qui ont fait de la durabilité le pilier n°1 de leur développement. Dans tous les cas, lorsque les directions décident d’activer cette transformation, je constate souvent un élan volontaire et positif des équipes à embrasser ce changement. C’est là que nous intervenons, en apportant des solutions concrètes, simples et adaptées aux spécificités de chaque hôtel, palace ou autre type d’hébergement.

La Tribune de l’Hôtellerie : Vous travaillez donc avec des hôtels de luxe, mais pouvez-vous nous donner un exemple concret d’intervention d’Eqolux dans un hôtel de ce type ?

Marine Pescot : Oui, un des projets dont nous sommes particulièrement fiers concerne un palace français emblématique. Nous avons réalisé un audit complet de leurs pratiques et analysé la possibilité de suivre, mesurer et réduire leur impact. Le plus complexe résidait dans la digitalisation et la centralisation des données d’achats (scope 3 du bilan carbone) qui demande à un nombre conséquent de parties prenantes (achats, finance, comptabilité, RSE et économat) d’aller récupérer la donnée (souvent papier). C’était une mission chronophage et sans valeur ajoutée. Pourtant, cette analyse était clé pour comprendre d’où nous partions et où nous souhaitions aller. Une fois les mains misent dans leurs outils de gestion interne (Excel entre autres), il était évident qu’une solution tout-en-un manquait pour ce secteur. La réduction de l’impact carbone d’un hôtel est laborieuse puisqu’il peut difficilement agir sur le mode de transport choisi par ses clients. Difficile aussi de réduire drastiquement ses coûts énergétiques, on ne va pas demander à des clients de baisser la climatisation ou le chauffage pour la planète (on peut leur suggérer mais pas leur imposer). Les solutions restantes résident donc dans la capacité à travailler sur ses approvisionnements, l’optimisation de ses marges et de ses coûts, sur la gestion du linge, des emballages, de l’entretien, et sur sa capacité à engager ses fournisseurs. Nous avons travaillé aux côtés de ce palace sur la partie approvisionnement (Food&Beverages) afin de proposer des offres de saison, locales et peu emballées, en collaboration avec les fournisseurs. Grâce à l’introduction de notre plateforme, nous permettons aux équipes opérationnelles d’avoir des données centralisées et une vue globale, transparente et réelle de ce qu’il se passe vraiment au niveau des achats dans l’hôtel. Cela permet notamment de réduire drastiquement ses coûts tout en améliorant son suivi et la réduction de son impact environnemental.

La Tribune de l’Hôtellerie : Quelle est la vision d’Eqolux pour l’avenir du secteur hôtelier, en particulier face aux enjeux climatiques actuels ?

Marine Pescot : Notre vision est simple et pragmatique : la transformation durable doit être rentable. L’avenir de l’hôtellerie doit être résolument tourné vers la durabilité. Le secteur a une immense responsabilité, non seulement en termes de réduction de son impact, mais aussi dans la manière dont il influence les comportements de ses clients et impose des normes à ses partenaires. Notre ambition avec Eqolux est d’accompagner cette transition de manière toujours plus simple et accessible, en développant des solutions technologiques performantes et en favorisant une collaboration fluide entre les différents acteurs du secteur. Nous voulons aider les hôteliers à aller au-delà des simples bonnes pratiques pour adopter une véritable vision du développement durable, où chaque geste compte, où chaque action a un impact positif sur l’environnement et sur la rentabilité de l’entreprise. Nous sommes à l’aube d’une transformation profonde (qui passera par une transformation digitale inédite) et je suis convaincue que les acteurs de l’hôtellerie peuvent et doivent devenir des pionniers de l’économie de demain (responsable, rentable et durable).

La Tribune de l’Hôtellerie : Pour conclure et recentrer l’entretien sur Marine Pescot, entrepreneure, comment définiriez-vous votre parcours et votre engagement ?

Marine Pescot : Je dirais que mon parcours est une aventure faite de transitions et de passions. J’ai toujours été fascinée par la technologie et la manière dont elle peut transformer les industries. Mais je me suis également intéressée de très près aux enjeux sociaux et environnementaux, car je pense que l’on ne peut plus ignorer les nombreux défis auxquels nous sommes confrontés. Ce qui me motive au quotidien, c’est de remettre le bon sens au cœur de nos actions, d’allier mes compétences en tech à cette volonté d’agir pour l’ensemble des parties prenantes avec lesquelles nous travaillons. Eqolux, c’est pour moi un moyen de répondre à cette double passion : celle de la technologie et de l’hôtellerie de demain. Mon engagement, à travers cette entreprise, est de créer un impact tangible, de proposer des solutions qui permettent de changer les choses de manière concrète, tout en ayant un réel bénéfice pour les entreprises avec lesquelles nous collaborons. C’est ce qui me porte et ce qui me stimule dans mon travail.

La Tribune de l’Hôtellerie : Merci Marine Pescot pour cet éclairage inspirant. Nous suivrons avec attention l’évolution d’Eqolux et de son impact dans le secteur hôtelier.

Marine Pescot : Merci à vous ! Ce secteur a un potentiel incroyable, et je suis convaincue qu’en unissant nos forces, nous pouvons participer à une véritable révolution durable de l’hôtellerie, et plus largement du secteur touristique.