A 51 ans, Florent Rousseau, de Gaillon, dans l’Eure, exerce le métier de maître d’hôtel en extra depuis 1991 après un bac professionnel en hôtellerie et restauration. Pour le grand traiteur parisien Potel & Chabot, il intervient sur de grands événements sportifs comme Roland-Garros ou encore auprès de l’Unesco : « Je travaillais environ 50 heures par semaine. Mais à partir de février, les manifestations ont commencé à s’annuler les unes après les autres du fait de la pandémie. J’ai dû faire 40 heures en mars et 150 heures pendant le déconfinement, car j’ai pu servir les joueurs pendant la quinzaine de l’Open de tennis. Au lieu de 400 maîtres d’hôtel, nous étions 40. »
Avec ce dernier contrat, Florent a pu recharger quelque peu ses droits au chômage et touche près de 60 euros par jour. Florent Rousseau se considère pour le moment comme un « chanceux ». « Mais, c’est dit-il, parce que nous ne sommes pas des glandeurs ! On travaille énormément. Pour ma part, si je ne retrouve rien avant mars prochain, il faudra que je fasse une demande au RSA. On vit certainement les dernières heures de notre métier. ». Alors, il aimerait que lui et ses collègues soient entendus par le gouvernement et être pris en charge comme les intermittents du spectacle.
Il y a une grande lassitude chez les 20 000 maîtres d’hôtel en extra de France. Discrets lors des services comme le demande leur profession, ils se considèrent aujourd’hui comme les oubliés de cette crise sanitaire. Avec un régime spécifique, celui du « CDD d’usage », ils peuvent répondre à la demande de leurs employeurs principalement des traiteurs quelle que soit la date, la durée et avec des horaires très flexibles.
Condamnés au RSA ou à changer de métier
Après avoir été longtemps considérés comme des intermittents du spectacle, ils sont affiliés depuis 2014 au régime général. Donc, en cas d’inactivité comme c’est le cas pour certains depuis février 2020, ils épuisent leurs droits en jours de chômage auprès de Pôle Emploi sans pouvoir recharger leur quota d’heures indispensable pour pouvoir prétendre à de nouvelles indemnités.
Sans mesure d’aides gouvernementales, certains sont déjà passés au RSA tandis que d’autres cherchent une reconversion. L’association OPRE (Organisation du personnel de la restauration en événementiel) appelle à l’aide et a déjà organisé des opérations coup de poing pour se faire entendre.
« Une année blanche comme les intermittents »
Frédéric Cavelan demeure à Brestot, près de Pont-Audemer (Eure). À 55 ans, il officie pour un traiteur à l’Accor Arena de Paris. En 2019, en neuf mois, il a cumulé 940 heures de service. Pour cette année, et sur la même période, il ne peut aligner que 113 heures. « Seize jours en neuf mois, résume-t-il, car j’ai pu faire le tournoi de tennis de Paris-Bercy à huis clos et le Bellator MMA Paris. C’est tout ! »
Comme Florent, Frédéric utilise ses droits et sera « sans revenu à partir de mars prochain. C’est pareil pour mon compagnon qui fait le même métier. Nous avons déjà des amis dans ce cas. Certains revendent leurs voitures, rendent leurs appartements pour retourner chez leurs parents ou se mettent en colocation. D’autres sont même devenus manutentionnaires, caristes ou sont retournés à l’usine. À 55 ans, je ne me vois pas refaire une formation. Maître d’hôtel extra, c’est ma vie. C’est mon choix de vie. »
Alors, comme tous ses camarades, il réclame « pas seulement d’être entendu comme l’a déclaré Elisabeth Borne, mais d’être considéré. Nous sommes les invisibles. On veut une année blanche comme les intermittents du spectacle. Que l’on gèle nos droits jusqu’à l’été 2021 voire 2022 sinon, nous allons disparaître et notre métier avec. Ce sera la fin de l’art de vivre à la française. »