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L’Oustau de Baumanière, La Cabro d’Or et Le Prieuré, trois restaurants de la famille Charial et un même art de vivre.

Jamais les hôtels, restaurants, Relais & Châteaux de la Provence de Jean Giono, d’Alphonse Daudet et de Marcel Pagnol n’ont connu un tel engouement. Au mois d’août et au déjeuner par 30 degrés et plus, nombre de bonnes tables étoilées ou non refusaient du monde.

Aux Baux-de-Provence et alentours, les Maisons de Baumanière ont été envahies même à midi et les chambres et suites (cinquante-quatre) très demandées à tous les prix.

Coup de projecteur sur les lieux de vie et de civilisation fondés par le grand seigneur des Baux Raymond Thuilier (1897-1993) et développés par son petit-fils Jean-André Charial et son épouse Geneviève, l’artiste de la décoration des hôtels et restaurants de la famille.

L’Oustau de Baumanière aux Baux-de-Provence

La troisième étoile obtenue en janvier 2020 par Jean-André Charial, le petit-fils et successeur de Raymond Thuilier, a beaucoup œuvré pour la formidable attractivité de l’ancienne bergerie du Val d’Enfer transformée en restaurant provençal dans les années 1950 par l’ex-assureur cordon-bleu, élève de Fernand Point et admirable cuisinier.

Jean-André Charial

Le prince des gastronomes Curnonsky vantait dès les débuts du restaurant proche d’Avignon le caneton à l’orange, le gratin de langouste, la poularde aux morilles, le gigot des Alpilles en croûte: ses grands plats étaient des «mets» selon le vocable d’Escoffier.

En quatre ans Raymond Thuilier a eu sa première étoile, c’était en 1949. Il arrivait aux Baux en vélo et Yves Brayer, Marc Chagall, Picasso venaient goûter ses spécialités: les rougets en papillotes, l’agneau de lait en croûte, le fromage de chèvre au thym et plus tard le succulent millefeuille, le premier de la grande restauration française.

En 1953, c’est la troisième étoile. Il va rejoindre au firmament du guide Fernand Point, Jacques Pic et Alexandre Dumaine, les trois chefs stars de l’après-guerre.

En 1954, Raymond Thuilier crée la chaîne des châteaux-hôtels qui donnera naissance aux Relais & Châteaux en 1962. En cela, le créateur avant-gardiste de Baumanière a été un pionnier du tourisme culturel et gastronomique.

Il a inventé la profession de «chef patron», saisi par la passion de la bonne chère et de l’hospitalité. Raymond Thuilier, gentleman du monde hôtelier, a été l’un des premiers restaurateurs à saluer ses client·es, à les conseiller pour le menu, à recevoir en personne Georges Pompidou, secrétaire d’État au Tourisme, Jean Cocteau dont Baumanière a été le décor de son film Le Testament d’Orphée.

Pour Frédéric Dard, «Baumanière n’est pas une hostellerie, c’est une récompense qu’il faut mériter», mais surtout l’amphitryon Thuilier a su transmettre sa créativité culinaire à son petit-fils Jean-André Charial, diplômé d’HEC et pas du tout formé à l’artisanat des casseroles provençales.

La terrasse de l’Oustau de Baumanière

Et pourtant c’est lui, ce grand gaillard humaniste, curieux des autres, passé par des brigades de rêve (Troisgros, Taillevent), qui a repris le flambeau en 1993 et retrouvé en 2020 la suprême récompense du guide: un exploit rarissime car nombre de tables à deux étoiles ne parviennent jamais au sommet.

Le longiligne Jean-André Charial a été quarante ans durant le chef en titre au piano de l’Oustau. Il s’était pénétré des principes et méthodes culinaires (bien cuire et assaisonner) de son grand-père. Jean-André a été le remarquable interprète des classiques maison qu’il a modernisés: la poularde à l’estragon, les raviolis de truffe aux poireaux, le loup farci en croûte, la crêpe soufflée allégée, un chef-d’œuvre de gourmandise.

En 2015, Jean-André a engagé le chef breton Glenn Viel qui a su avec une pointe de génie proposer un récital culinaire de notre temps sans effacer le passé. La haute cuisine, c’est une œuvre de transmission, d’imagination et de mémoire.

La troisième étoile tant espérée a été l’œuvre magistrale de Glenn Viel enrichie par le legs permanent de Baumanière. Voyez le rouget de roche agrafé, tomates «poupées russes», pulpe enrichie de foie de rouget, une pure merveille. «Si j’arrive à créer quatre belles recettes par an, je suis au paradis», avoue-t-il.

Disons-le, ce chef bien adapté à la Provence gourmande, à la forte implication, a atteint son but: réinventer le restaurant Baumanière 2020.

Dans ses confessions et écrits, Jean-André Charial n’oublie pas de citer Geneviève, sa tendre épouse: «Sans elle, Baumanière ne serait pas ce qu’il est aujourd’hui. Elle a restructuré le domaine en réunissant La Cabro d’Or et Baumanière: un seul hôtel et deux restaurants. Elle a joué un rôle essentiel dans la vie du Relais, l’ambiance, le style c’est elle. Je ne choisis jamais une forme, une couleur sans elle», souligne-t-il, ému.

Cela s’appelle l’esprit de famille, accentué par la nomination de la trentenaire Marie-Noëlie, la fille de Jean-André à la direction de La Cabro d’Or: 150 couverts par jour et plus, pas rien, dîner de vif plaisir dans la nuit douce.

«Ce que nous faisons aujourd’hui n’a rien à voir avec ce que nous faisions hier. Pour ma fille, je me suis donné pour mission de la préparer à continuer ma tâche et elle a accepté», note l’héritier jamais absent.

Le Relais de Baumanière où trente-quatre cuisinièr·es sont employé·es, un record pour une seule table, évolue bien car le passé est relié à la modernité. L’esprit Baumanière s’est transmis en douceur. «Pour moi, l’Oustau est un endroit secret, en marge de la vie, résultant de la rencontre d’un homme et d’un site aussi exceptionnels l’un que l’autre. Je suis fier de Baumanière», note Frédéric Dard, grand buveur d’Yquem. La fidélité des client·es est exemplaire, Jean-André Charail qui les connaît tous et toutes sait leurs désirs de gourmandises et de vins.

Faut-il parler de l’éternité du Relais? L’Oustau a eu 70 ans en 2015. Jamais le relais provençal ne s’est mieux porté.

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