« Shine bright like a diamond »… La voix de Rihanna résonne dans la pénombre du restaurant. Du haut de son estrade, le DJ observe les clients attablés autour de tacos, riz frit et Pepsi : certains ondulent déjà les épaules en rythme. Une scène festive qui se déroule… dans un palace parisien ! Et pas n’importe lequel : le Prince de Galles, qui, il y a trois ans, faisait partie de l’élite culinaire parisienne avec ses deux étoiles Michelin obtenues par la cheffe Stéphanie Le Quellec.
A l’Ecrin, au lieu de choisir des mets puis la boisson qui va avec, on décide d’abord d’une bouteille, puis on se laisse guider par le chef, qui imagine un menu surprise en tandem avec le sommelier.
Ici, l’heure n’est plus à la haute gastronomie française. A la place, l’hôtel du groupe Marriott a inauguré mi-janvier le premier restaurant en Europe d’Akira Back. Ce chef américano-coréen chevronné, qui pilote déjà seize autres adresses dans le monde, prône une cuisine fusion sans limite, mêlant l’Europe, l’Asie et l’Amérique. Dans ses assiettes que l’on picore avec des baguettes jetables, on trouve du gras, de l’acide, du sel : bref, du réconfort. Les sushis au foie gras sont arrosés de ponzu (sauce soja citronnée), les crevettes frites enrobées d’une mayonnaise « kochujan » pimentée, les pizzas carrelées de tranches de thon et de truffe noire… On ne sait plus trop où l’on habite, mais, ce soir de janvier, la clientèle – plutôt jeune – est déjà nombreuse au premier service de 19 heures et semble satisfaite.
Il y a encore une petite dizaine d’années, une telle scène aurait été impensable. La gastronomie de palace ne faisait pas preuve de décontraction, tout occupée qu’elle était à décrocher des étoiles Michelin. Deux au moins, trois encore mieux, et plus encore pour faire le malin, comme le George V qui obtenait en 2016 cinq macarons au total pour ses trois restaurants.
Les palaces, situés dans un périmètre restreint de la rive droite entre la place de l’Etoile et le Louvre, proposaient une offre gastronomique de très haute volée mais finalement assez similaire, des variations autour de la cuisine française moderne. Les grands chefs tels qu’Alain Ducasse, Christian Le Squer ou Eric Briffard s’étaient embarqués dans un jeu de chaises musicales, passant d’un établissement à l’autre, gérant à chaque fois des brigades énormes, montrant la capacité de l’hôtel à produire de l’exceptionnel. « Pendant des années, les chefs n’étaient pas embêtés par le contrôle de gestion », résume le consultant Nicolas Chatenier. La question de la rentabilité du restaurant ne se posait pas, c’était la vitrine, financée par les chambres d’hôtel. C’était aussi le lieu où l’on investissait dans de jeunes talents, où des Jean-François Piège et Cédric Grolet ont pu prendre leur élan. Lire la suite sur Le Monde (réservé abonnés)