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Lettre ouverte

Par Pierre Siegel*

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Madame la Préfète,

C’est avec stupeur que nous avons entendu notre Premier ministre hier soir enterrer les quelques espoirs que nous avions d’ouvrir nos établissements à moyen terme.

Si les dernières informations qui circulaient faisaient état d’une situation sanitaire qui tendait lentement vers l’amélioration, elles ne nous permettaient pas d’espérer une réouverture de nos établissements à brève échéance.

En revanche, la prise de position de notre Premier Ministre qui laissait entrevoir aux commerçants une réouverture d’ici une quinzaine de jours à l’exception des restaurants et bars me laisse sans voix.
Pire encore, une obscure étude nord-américaine démontrerait que les cafés, bars, restaurants et hôtels seraient les ERP dans lesquels la diffusion du virus est la plus forte…
Comment peut-on, face caméra, proférer de telles inepties.

À ce stade me vient une première question : Qu’est ce qui est le plus grave ?
– Devoir s’appuyer sur une sombre étude provenant d’un pays qui, on le sait, n’a jamais été le premier de la classe en matière de prise en compte de cette pandémie ou du respect des gestes barrières, et dont on ne connaît ni les modalités, ni le panel, ni même les conclusions précises ?
– Qu’un pays civilisé comme le nôtre soit dans l’incapacité de produire sa propre étude, basée sur des données avérées, après les 10 mois les plus sombres de notre histoire depuis la deuxième guerre mondiale, alors que ce serait un prérequis essentiel avant toute prise de décision si impactante pour la vie de tous les Français à court, moyen et long terme ?

Au vu de ces éléments, nous pouvons parler au mieux d’incompétence caractérisée, au pire de malhonnêteté intellectuelle si ces seules arguties suffisent à condamner nos entreprises et nos salariés.

Nous vous sollicitons ainsi pour organiser d’urgence un rendez-vous avec l’ARS afin de connaître enfin les chiffres réels des contaminations dans notre industrie. À notre connaissance, pas un seul cluster dans un hôtel n’a été déclaré sur le territoire français et très peu de cas sur les quelques 350 000 établissements de notre profession, contrairement, par exemple, aux fêtes étudiantes et autres organisées bien souvent hors de notre périmètre professionnel, où le respect des gestes barrières élémentaires n’est alors qu’un rêve idéaliste.

Il n’est pas question d’opposer frontalement les problématiques sanitaires, sociales et économiques, bien au contraire. Nous sommes et avons toujours été les premiers à dire que l’activité ne pourra pleinement reprendre que lorsque cette pandémie touchera à son terme. Nos professionnels n’ont pas non plus attendu ce virus pour placer les principes d’hygiène et de propreté au cœur de leurs préoccupations quotidiennes.

Vous conviendrez en revanche qu’aujourd’hui, fort peu de mesures permettent effectivement à l’immense majorité de nos chefs d’entreprises de s’en sortir indemne. Nos entreprises n’ont jamais été aussi fragiles et nous voyons déjà les premières lettres de licenciements économiques partir avant, à n’en pas douter, les premières liquidations d’entreprises très prochainement.

Combien de nos collègues nous crient leur désespoir quotidiennement ? Combien avouent penser au suicide comme seule issue possible ? Et sans aller jusque-là, combien n’arrivent même plus à expliquer à leurs enfants la situation catastrophique dans laquelle ils se trouvent.

Alors non, nous ne minimisons pas la situation sanitaire !
Notre rôle et d’alerter les plus hautes sphères de l’état sur les autres problématiques, bien moins visibles, bien plus sourdes qui nous guettent. Nous apprécierions que l’État n’oppose pas non plus la situation économique, sociale et psychologique à la situation sanitaire.

Comment expliquer, pêle-mêle que le risque de contamination est plus élevé chez un petit commerçant qui fait respecter les gestes barrières que dans une grande surface où se pressent simultanément plusieurs centaines de clients et ou jamais personne ne vient désinfecter les rayons entre deux consommateurs ?

Comment expliquer que le tabac, les jeux d’argents, la vente d’alcool soient des produits de premières nécessités quand la culture, le sport ou le vivre-ensemble ne le sont pas ?

Comment expliquer qu’une auto-école ne puisse donner de cours à un élève, mais que le passage des examens de permis de conduire doive, lui, être maintenu ?

Comment expliquer que nos restaurants doivent fermer ou au mieux, demander à leur clients « click and collect » de faire la queue dehors, alors que les grandes chaînes de fast-food peuvent permettre aux leurs d’accéder aux bornes de commande à l’intérieur de leurs points de vente ou mieux encore s’afficher en pleine page de notre quotidien régional à 15 personnes en cuisine sur 10 m² ???

Je le redis, je n’oppose pas la situation sanitaire à la situation économique. En revanche, je ne peux m’empêcher de garder à l’esprit que, comme toujours, avant d’être public, l’argent est privé. Risquer de perdre un pourcentage important d’entreprises dans un avenir très proche et sans occulter la détresse psychologique des premiers concernés, c’est surtout amputer considérablement dès l’année prochaine les recettes fiscales et autres prélèvements sociaux qui sont pourtant les ressources qui financeront notre système de santé demain.

Nous sommes dans une situation dramatique. Nous sommes d’ailleurs bien loin des promesses de Monsieur le Président Macron quand il évoquait au printemps dernier le « € pour € » et le désormais célèbre « quoi qu’il en coûte ».

Aujourd’hui, nous ne sommes pas des métiers essentiels. J’imagine en revanche que dès que nous serons à nouveau en mesure de le faire, nos impôts, taxes, charges sociales et autres prélèvements obligatoires le redeviendront vite… ESSENTIELS !

Nous comptons vraiment sur vous, Madame la Préfète, pour faire remonter au plus haut niveau de l’État ce « coup de gueule » et vous prions de croire en notre haute considération.

Roger SENGEL Président GHRD UMIH 67
Pierre SIEGEL Président délégué*
Jacques CHOMENTOWSKI Président Délégué

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