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L’interview du mois | Edouard Gandoin, Carlton Intercontinental Cannes, Expert en Relations Sociales

Ces dernières années, recrutement, formation et gestion administrative du personnel ont constitué l’épicentre de la fonction ressources humaines. Quid des relations sociales ?

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La paie bien souvent externalisée est toujours un élément stratégique de la fonction mais la plupart du temps, les acteurs de la fonction personnel ne font que saisir les variables, l’essentiel du traitement étant assuré par les opérateurs externes. La gestion administrative devenue quasiment gargantuesque avec les normes imposées par la CNIL, la RGPD et bien évidemment, l’évolution permanente du cadre législatif qui alourdit chaque jour, la tâche des responsables ressources humaines. De facto, les SIRH (Systèmes d’Information Ressources Humaines) sont devenus des outils indispensables dans les établissements !

Et les relations sociales dans tout ça ? Dans notre secteur, la négociation de branche semble avoir pris le pas sur la négociation d’entreprise à contre-courant de la Société française qui réclame, quant à elle, plus de proximité !

Ainsi, au niveau de l’entreprise, les relations sociales semblent être aux « abonnés absents » ! Pourquoi  ?

En dehors de l’explication relative aux seuils sociaux, beaucoup d’établissements en raison de leur faible historique, n’ont pas placé les relations sociales au centre de leurs préoccupations sociales, les CSE se déroulant la plupart du temps comme une réunion informative et sans tension.

Et pourtant, dans la plupart des grands établissements séculaires du secteur, cet aspect des ressources humaines est essentiel.

Relations sociales riment avec discrétion

Souvent discrets, médiatiquement absents et pourtant indispensables au bon fonctionnement des établissements hôteliers, les responsables relations sociales occupent des postes nécessitant des qualités rares de nos jours dans les entreprises : sens de la négociation et de l’anticipation, expertise juridique de haut niveau, capacité à innover socialement, discrétion et goût du secret.

Pour mieux vous faire connaître ce métier, la Tribune de l’Hôtellerie a interrogé ce mois-ci un expert des relations sociales de notre secteur, Édouard Gandoin.

Cet ancien professionnel de Golf, sportif de haut niveau, titulaire d’un Master en Droit Social et Ressources Humaines de l’Université de Nantes, Président du C.S.E. de l’hôtel Carlton à Cannes intervient au sein de l’hôtel comme Expert en relations sociales.

Ancien Responsable Délégué Ressources Humaines et Juriste de la Fédération française du bâtiment et enseignant en Droit social à l’Université de Nantes, Édouard fut également juriste contentieux en Droit social pour un important syndicat.

Il fait partie de ces rares spécialistes des relations sociales qui exercent au sein d’établissements ou de groupes hôteliers. Ainsi, pouvons-nous citer quelques personnalités spécialistes des Relations sociales  :  Gilles Goic, Directeur des Relations Sociales Hyatt France, Sophie Le Mouellic,  Responsable des relations sociales chez Melià Hotels International,  Delphine Daniel chez Brittany Ferries, Stéphane Chevallier , Directeur des Relations Sociales groupe chez Louvre Hotels Group, Sophie Corman chez Logis Hotels, Dorothée Zaabal chez Groupe Pierre et Vacances, Carole Uccelli Responsable Relations sociales Accor Invest….

 

Edouard Gandoin @ credit linkedin

LTH : Bonjour Edouard, ma première question est simple et directe : en quoi consiste votre métier ?

Édouard Gandoin : J’occupe le poste d’Adjoint DRH avec la responsabilité des relations sociales sur le périmètre de l’Unité Economique et Sociale du Carlton.

Je suis également Président du Comité Sociale et Economique (CSE), mandat par lequel je représente la direction.

Nous devons répondre à trois grands enjeux :

  • Créer et maintenir le lien entre la direction et les salariés à travers les représentants du personnel 
  • Gérer et animer le CSE en :
    • s’assurant du respect de la législation, pour rappel la présidence du CSE implique une responsabilité pénale ;
    • répondant aux questions plus ou moins complexes pouvant porter sur tous les sujets intéressants l’organisation de l’hôtel : restauration, opérations, hébergement, technique, commerciale/marketing, financier, juridique…;
    • présentant tous les projets de transformation, de modification ou d’évolution de l’entreprise ;
  • Conseiller et accompagner la direction sur l’approche stratégique des dossiers sous l’angle relations sociales.

          

LTH :Comment expliquer la rareté de ce poste dans le secteur de l’hôtellerie comparativement à la grande distribution, à l’industrie en général ?

Édouard Gandoin : La filière HCR employait près d’un million de personnes en février 2021 contre 1,3 millions avant la crise sanitaire. Il fait partie du top 10 des secteurs créateurs d’emplois. Mais contrairement aux secteurs que vous citez qui regroupent essentiellement des grandes entreprises, le secteur HCR appartient généralement au domaine de la petite entreprise, puisque 90% du marché est exploité par des TPE, qui n’ont pas de besoin en la matière.

Ainsi, pour les PME une partie de l’activité des relations sociales et du droit social peut être externalisée vers les cabinets d’expertises comptables ou d’avocats.

Et pour les PME plus importantes voir les grandes entreprises, le poste de DRH ou RRH englobe souvent la responsabilité des relations sociales, avec ou non la présidence du CSE.

La rareté de ce poste ne découle pas du métier à proprement parler mais de l’organisation du secteur HCR et, plus précisément, de la classification des entreprises qui composent le secteur.    

Quels sont les défis post-covid qui attendent les relations sociales dans notre secteur ?

Édouard Gandoin : Comme j’ai pu le dire précédemment, le secteur HCR a perdu 237000 personnes depuis la crise sanitaire. Proposer un modèle différent est assurément le défi des prochaines années. Les organisations professionnelles et syndicales du secteur sont unanimes sur le sujet. 

Tous les établissements du secteur ont besoin de personnel qualifié, motivé, et l’attractivité passe à la fois par de bonnes conditions de travail et une bonne rémunération.

Une nouvelle grille salariale de branche a été signée par les partenaires sociaux et est applicable depuis le 1er avril 2022. Parallèlement, des négociations de branche se poursuivent sur le thème des conditions de travail. Cela prouve la réactivité de la branche.

Une nouvelle grille salariale de branche a été signée par les partenaires sociaux et est applicable depuis le 1er avril 2022. Parallèlement, des négociations de branche se poursuivent sur le thème des conditions de travail. Cela prouve la réactivité de la branche.

DG et DRH ont la main sur les relations sociales. Comment justifier la création d’un poste d’expert des relations sociales dans un établissement ou groupe ?

Édouard Gandoin : Deux critères justifient, selon moi, l’existence de ce poste : l’intensité de l’activité syndicale au sein de l’entreprise et la taille de l’entreprise en nombre de salariés. On constate d’ailleurs un lien étroit entre ces deux critères : plus l’entreprise est grande plus la probabilité de trouver une forte intensité syndicale est importante.    

Une forte intensité syndicale nécessite une disponibilité de tous les instants de la part du représentant de la direction. Sans disponibilité, il y a peu d’écoute, peu d’échange et donc peu de chance de créer les bonnes conditions pour un dialogue social de qualité. La confrontation des idées est en tout état de cause nécessaire pour faire évoluer les pratiques et nous avons besoin d’interlocuteurs investis !

Après, plus l’entreprise est grande, plus les règles en matière de relations collectives sont complexes avec des risques juridiques croissants. Il est donc indispensable pour l’entreprise de pouvoir s’appuyer sur un ou une spécialiste.

 

Quel est l’avenir du responsable des relations sociales dans une structure et dans notre secteur ?

Édouard Gandoin : En France, le noyau central du syndicalisme est fourni par les salariés des grandes entreprises de statut public ou qui sont encadrés par un contrat de service public : SNCF, EDF-GDF, la RATP, Aéroports de Paris, policiers, éducation nationale, finances…Les deux tiers des salariés syndiqués sont issus de ces 7 millions de salariés.

À l’opposé, on trouve 18 millions de salariés employés dans le secteur privé plus ou moins bien représentés en fonction des secteurs d’activités. 

Aujourd’hui, le taux de syndicalisation est le plus faible de son histoire, de l’ordre de 7% des salariés contre pratiquement 50% après-guerre.

En dépit de ce faible taux de syndicalisation, la négociation collective s’est fortement développée dans les entreprises au cours des dix dernières années. La négociation en entreprise a un effet direct sur les conditions de travail et les rémunérations des salariés, éléments susceptibles d’influencer les performances humaines et sociales et, par conséquent, les performances économiques des entreprises. 

Concernant l’évolution professionnelle, la présidence d’un CSE favorise le développement de compétences transversales puisqu’il y a nécessité d’être proche du terrain afin de comprendre le fonctionnement des différentes directions et des différents services. C’est un atout à mon sens pour celui ou celle qui souhaiterait évoluer vers un métier ou poste plus généraliste.

Cependant, l’évolution de poste la plus conventionnelle est celle de Directeur des Relations Sociales en sachant que ce poste est dans la plupart des cas proposé dans des grandes entreprises disposant de plusieurs sites délocalisés. L’évolution vers un poste de Directeur des Ressources Humaines peut également être envisagée.

Les relations sociales sont, sans nul doute, d’actualité au regard des évolutions sociétales mais son spectre d’intervention reste, en tout état de cause, limité aux moyennes et grandes entreprises.  

LTH : Merci Édouard.

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