Qu’en penserait le truculent chef Paul Bocuse, surnommé le « cuisinier du siècle », décédé il y a quatre ans ? Une féroce bataille juridique oppose désormais son héritier, Jérôme Bocuse, à son ancienne école, l’Institut Paul Bocuse, qui se déchirent sur la question de l’utilisation du célèbre patronyme. Le chef avait accepté en 2002 d’accoler son nom à l’école des arts culinaires et de l’hôtellerie d’Écully (Rhône) pour la dynamiser. Présidé à sa création en 1990 par Paul Bocuse, l’établissement avait rencontré d’importantes difficultés financières avant sa reprise en 1998 par Gérard Pélisson, le cofondateur du géant de l’hôtellerie Accor.
Vingt-quatre ans plus tard, l’Institut, chapeauté par une association, est devenu une impressionnante machine de guerre, avec 1 400 étudiants, formés sur dix campus, destinés à faire partie de l’élite de la cuisine et de l’hôtellerie. Une montée en puissance soutenue par la fondation G & G Pélisson, pour Gérard et son neveu Gilles, le patron de TF1. Dirigée depuis 2015 par Dominique Giraudier, l’ancien directeur général du Groupe Flo, l’un des leaders de la restauration française, l’association compte désormais une filiale dédiée à l’innovation et développement et une autre consacrée à l’exploitation des établissements d’application des élèves, comme l’hôtel Royal Lyon Mgallery, l’Institut Restaurant ou encore le Saisons Restaurant, une étoile au guide Michelin.
L’école qui fait la fierté des Lyonnais est même l’une des chevilles ouvrières d’un projet poussé par Emmanuel Macron et Laurent Wauquiez. « Le football a Clairefontaine, désormais la gastronomie aura son centre d’entraînement », s’était enflammé le patron de la région Auvergne-Rhône-Alpes en février dernier. Ce centre d’excellence de la gastronomie et des métiers de bouche est financé à hauteur de 25 millions d’euros par la Région Auvergne-Rhône-Alpes. Mais cette dynamique est désormais menacée par l’ampleur du conflit entre Jérôme Bocuse et l’école. Pour l’établissement, l’héritier est en train de mettre l’école à genoux en demandant des droits d’auteur indus et en tentant de s’ingérer dans la gestion pédagogique. Ce qui pourrait à terme se traduire par une hausse significative des coûts de scolarité.
PARTENARIATS CONTESTÉS
Au contraire, « Jérôme Bocuse a toujours été prêt à abandonner sa demande de redevance si l’Institut s’engageait à respecter ses engagements contractuels », fait remarquer son avocate, Carine Piccio. Sur le fond, l’héritier, qui a fait sa carrière loin de son père dans la cuisine aux États-Unis, déplore des changements profonds dans l’organisation de l’école qui instrumentaliseraient le nom de son père au profit d’un projet marketing. Et il assure que l’origine de la brouille est à chercher du côté de l’école, qui aurait voulu renforcer en 2017 ses droits sur le patronyme pour soutenir son projet d’extension du château de la Roseraie, un dossier à 25 millions d’euros. (…) Lire la suite sur Marianne