À la Biche au bois, dans le 12e arrondissement de Paris, on s’active depuis une semaine pour se tenir prêt mercredi 9 juin, date de réouverture des salles de restaurants en France. Après sept mois de fermeture forcée, »l’équipe est vraiment contente de se retrouver, se réjouit , ça fait du bien au moral, il était vraiment temps ». La patronne, qui gère l’établissement depuis 20 ans avec son mari, n’a pas pu ouvrir le 19 mai, comme bien d’autres restaurateurs, faute de place suffisante en extérieur. « Nous n’avons qu’une toute
petite terrasse. Ouvrir n’aurait pas été rentable. Nous avons donc dû attendre un peu plus ». La restauratrice ne nourrit pas de rancœur particulière à l’égard de ses confrères qui ont pris trois semaines d’avance. « En revanche, je ne comprends pas bien pourquoi de nombreux magasins, qui ne respectent aucune règle de distanciation sociale, ont été autorisés à rouvrir plus tôt que nous. Alors qu’on impose de nombreuses mesures sanitaires à notre secteur ».
Les règles de réouverture demeurent contraignantes pour les professionnels de la restauration. Les salles sont limitées à une jauge de 50 % de la capacité d’accueil, il n’y a pas de service ou de consommation au bar et les tablées ne doivent pas excéder six clients, enfants compris. Consciente des enjeux qui pèsent sur le bistrot, Paula, 46 ans, cheffe de rang qui travaille depuis plus de 20 ans dans la restauration, est partagée entre la joie de retrouver son travail, ses collègues et les clients, et la crainte d’un avenir incertain. « On s’interroge beaucoup sur la nouvelle façon de travailler avec les règles sanitaires, les nouvelles organisations mises en place. Mais surtout, on se demande si les clients vont revenir comme avant ».
Dans le livre de réservation, les noms des clients sont rares. « Nous avons deux tables réservées pour midi, trois pour ce soir, consulte Paula. Disons que c’est rien pour une journée normale. On va dire que c’est une petite reprise. Nous avons une petite clientèle d’habitués, mais nous travaillons principalement avec des touristes américains, russes et chinois. On risque de ne pas travailler comme avant ». Et l’employée de poursuivre, « avec l’arrêt progressif des aides de l’État, je crains que les patrons soient obligés de licencier. On se connaît tous depuis très longtemps, on est comme une famille. Si l’un de nous doit partir, ce sera vraiment dur pour tout le monde ».
L’État doit effectivement graduellement mettre fin aux aides. Au mois de juin, le fonds de solidarité prend en charge 40 % de la perte du chiffre d’affaires. Puis, seulement 30 % en juillet et 20 % en août. Le gouvernement espère arrêter les aides aux restaurateurs en septembre prochain, en fonction de la situation sanitaire. Une clause de revoyure est prévue avant la rentrée si la situation sanitaire et financière ne s’améliore pas.
Sur ce point, la patronne ne se montre guère optimiste. « Nous n’avons que quinze jours pour travailler. En juillet et août, Paris se vide. Sans le retour des touristes, nous ne risquons pas de remonter notre chiffre d’affaires. Nos clients habitués ont pris des réservations. Ils nous soutiennent, mais ça ne suffira pas. On sait déjà que l’on sera obligé de licencier un salarié avant la fin de l’année si l’on veut se maintenir. Le dernier arrivé a dix ans d’expérience, ça va faire mal ».
Les restaurateurs de banlieue moins touchés
À quelques kilomètres plus au sud, l’ambiance semble plus sereine. “Globalement, les restaurants en banlieue s’en sont bien sortis », estime Moustapha Berthe, chef cuisinier et patron du restaurant À la maison, à Champigny-sur-Marne. “Nous sommes très heureux de retrouver nos clients et une situation presque normale. On a pu garder nos salariés fixes et deux stagiaires. Après le deuxième confinement, l’État a vraiment joué le jeu. Sans le chômage partiel et les 10 000 euros de l’État, nous aurions fermé la boutique, il faut le reconnaître, abonde le gérant qui tient l’établissement depuis huit ans. Mais les aides ne font pas tout. » (…) Lire la suite sur France 24