sam 18 janvier 2025,
2 C
Paris

Revenue Management | À la rencontre de Thomas Jahan, indépendant haute-couture du Revenue Management

Cette semaine, La Tribune de l'Hôtellerie est allée à la rencontre d'un expert du Revenue Management, véritable couturier du pricing depuis plus de 20 ans dont la discrétion n'a d'égal que la pertinence. Observateur de cette pratique devenue un des fondamentaux de la gestion hôtelière, Thomas Jahan, 52 ans, a répondu à nos questions.

À lire

La Tribune de l’Hôtellerie
La Tribune de l’Hôtelleriehttps://latribunedelhotellerie.com
Le portail francophone dédié aux dirigeants du secteur de l'Hôtellerie Restauration internationale. Une tendance, une ouverture, une nomination ? La Tribune de l'Hôtellerie ! Pour tout connaître, tout voir et tout anticiper. #Actualités hôtelières #Hospitality News #Actualité hôtellerie

Il faut bien l’avouer, peu d’hôteliers internationaux connaissent Thomas Jahan, cet artisan français du Yield spécialisé dans le soutien et l’accompagnement des hôtels indépendants en matière de Revenue Management. Issu d’une famille d’hôteliers indépendants, le statisticien de formation (maîtrise en statistiques économiques) a su concilier, avec son métier, ses deux passions : l’hôtellerie, par, atavisme, et les mathématiques, ludiques à ses yeux.

Nous sommes donc partis à la rencontre de cet hôtelier singulier « qui brille par son humilité et sa discrétion », véritable Géo Trouvetou du Revenue. Il nous reçoit dans l’une des unités hôtelières qu’il accompagne avec succès depuis plusieurs années.  Nous vous livrons ici quelques passages de notre échange à bâtons rompus .

Thomas Jahan
Thomas Jahan

LTH : Bonjour Thomas, merci de nous donner l’occasion  d’en savoir un peu plus sur vous car, il faut l’avouer, vous êtes plutôt adepte de la discrétion, non

Thomas Jahan, Hotel Analytics : Bienvenue à la Tribune de l’Hôtellerie et merci à vous. Oui, j’ai toujours préféré être au service de mon métier plutôt et accompagner, dans la discrétion, mes clients

LTH : Et pourtant aujourd’hui, vous acceptez d’être exposé …

Thomas Jahan, Hotel Analytics : Pour une seule et unique raison : on entend tout et son contraire sur le Revenue Management et l’outil Yield. Cet entretien est l’occasion rêvée pour faire le point sur ce métier, revenir aux fondamentaux bien loin des modèles algorithmiques générés par l’IA qui évoquent la fin annoncée des Revenue Managers.

Même si l’IA va certainement révolutionner ce métier et que de nombreux grands acteurs internationaux éditeurs de PMS mobilisent leurs équipes pour développer de « nouvelles briques » dédiées au Revenue Management. Mais l’IA est et sera avant tout un support pour le Revenue Manager.

LTH : Justement, comment définiriez-vous le Yield Management et le Revenue Management ?

Thomas Jahan, Hotel Analytics : Le Yield Management, c’est l’art d’optimiser la vente des chambres en trouvant l’équilibre parfait : vendre la bonne chambre, au bon client, au bon moment, et au bon prix. C’est une méthode axée sur l’ajustement des prix en fonction de la demande et des disponibilités, avec pour objectif d’optimiser le revenu par chambre disponible.

Le Revenue Management, quant à lui, a une portée plus large. Il intègre non seulement l’optimisation des tarifs, mais aussi la gestion des canaux de distribution, des stratégies marketing, et des conditions de vente. C’est une approche globale qui vise à maximiser les revenus tout en tenant compte de l’identité et des objectifs spécifiques de l’établissement.

Ce qui me distingue dans ma pratique, c’est que je m’éloigne des modèles standardisés. Chaque hôtel est unique, avec ses particularités, ses forces, et ses contraintes. Mon rôle est de comprendre ces spécificités pour bâtir une stratégie sur mesure. Cela implique d’écouter, d’analyser les données disponibles, mais aussi de rester attentif à l’expérience client et à l’histoire que l’hôtel veut raconter.

En résumé, le Yield Management est une méthode technique et ciblée, tandis que le Revenue Management est une stratégie globale et personnalisée. Les deux sont complémentaires et nécessitent une approche agile et humaine pour vraiment porter leurs fruits.

 

LTH : Selon vous, quelles sont les qualités d’un expert du Yield Management ?

Thomas Jahan, Hotel Analytics : Je ne me considère pas comme un ‘expert’ même si cela a l’air de vous surprendre.

Comme le disait Winston Churchill : « Méfiez-vous des experts, ils ont construit le Titanic et les amateurs l’Arche de Noé. » Cette phrase me rappelle qu’il faut savoir rester humble, curieux, et ouvert à des approches nouvelles. Une stratégie réussie en Yield Management ne se limite pas à appliquer une recette préétablie ou à suivre aveuglément les résultats d’un calcul algorithmique.

En Revenue Management, on travaille avec des comportements humains, et comme le rappelle une devise du neuromarketing : « L’homme est irrationnel, mais prévisible. » Cela signifie que les décisions des clients ne sont pas toujours guidées par la logique, mais par des émotions, des habitudes et des attentes souvent complexes. L’enjeu est de comprendre ces comportements pour anticiper leurs choix et adapter la stratégie en conséquence.

Les outils technologiques et l’analyse des données sont des atouts précieux, mais ils doivent, comme je l’ai dit précédemment, rester des supports, non des guides absolus. La véritable décision repose sur une lecture attentive des tendances, une compréhension fine du marché et une capacité à ajuster les actions en fonction des spécificités de chaque établissement.

En somme, un bon Yield Manager doit faire preuve d’écoute, d’intuition, et d’une grande capacité d’adaptation. C’est cette combinaison de rigueur analytique et de flexibilité qui permet de transformer des données en décisions stratégiques pertinentes et efficaces.

 

LTH : Quelles sont les étapes que vous préconisez dans la construction de votre politique Revenue ?

Thomas Jahan, Hotel Analytics : La construction d’une politique de Revenue Management repose sur trois étapes clés :

  1. Analyse approfondie : Comprendre l’hôtel, son marché et son environnement concurrentiel. Cela inclut l’analyse des comportements des clients, des concurrents et des partenaires de distribution.
  2. Stratégie sur mesure : Définir des objectifs clairs et concevoir une stratégie adaptée à l’identité de l’hôtel, en choisissant les bons outils, canaux et conditions de vente.
  3. Ajustements continus : Tester, analyser et ajuster en temps réel pour rester compétitif. Une bonne stratégie doit être agile et imprévisible pour la concurrence, afin de toujours garder une longueur d’avance.

En somme, une politique réussie combine rigueur, adaptabilité et innovation, tout en restant fidèle à l’identité de l’établissement.

LTH : Peut-on envisager une politique tarifaire, un positionnement sans classement hôtelier, en France ?

Oui, c’est tout à fait possible, car le classement hôtelier, bien qu’utile, n’est plus le seul critère de confiance pour les clients. Aujourd’hui, la preuve sociale – les notes et avis sur des plateformes comme Google ou Booking.com – joue un rôle déterminant. Elle permet de compenser l’absence de classement officiel en rassurant les clients par des retours concrets d’autres voyageurs.

Cependant, cette approche n’est viable que si l’établissement garantit une expérience client irréprochable et cohérente. La qualité des services, l’accueil, et la propreté deviennent les véritables moteurs de la satisfaction et de la fidélité, bien plus que les étoiles.

Pour la majorité des hôtels standards, le classement reste toutefois un outil essentiel pour offrir un cadre de référence clair et structurer leur positionnement face à une clientèle parfois indécise.

En résumé, la preuve sociale peut remplacer le classement, mais cela exige une gestion irréprochable et une attention permanente à la satisfaction des clients.

 

LTH : Sur les hôtels que vous gérez, vous avez réussi le grand chelem tant en termes d’occupation que de prix moyens durant les JO. À quoi attribuez-vous cette politique successful ?

Thomas Jahan, Hotel Analytics : Les résultats que nous avons obtenus pendant les JO, notamment sur la période du 26 juillet au 11 août, sont le fruit d’une préparation minutieuse. Nous étions prêts un an et demi avant, ajustant progressivement nos tarifs et nos conditions de vente. Nous avons appris des erreurs observées lors des JO de Londres en 2012, où beaucoup d’hôteliers avaient visé trop haut et obtenu des résultats décevants.

Notre approche a été mesurée : des tarifs trois à quatre fois supérieurs à ceux de l’année précédente, des offres non remboursables, et une souplesse dans les restrictions de séjour pour maximiser les réservations. Résultat : un taux d’occupation de 100 %, et même 115 % en tenant compte des annulations avec pénalités et des non-présentations.

Nous avons également anticipé les ‘trous d’air’ avant et après les JO, ces périodes où la demande chute fortement. En ajustant nos tarifs à la baisse très tôt, nous avons maintenu un bon niveau d’occupation, même dans ces moments calmes. Cette réussite repose sur une combinaison d’observation, d’anticipation et d’adaptabilité.

LTH : Vous auriez pu intégrer un collectif, travailler pour un groupe, mais vous préférez agir en indépendant, en véritable grand couturier du Yield. Pourquoi ce choix du sur-mesure ?

Thomas Jahan, Hotel Analytics : C’est certainement lié à mon parcours d’entrepreneur, qui m’a donné le goût de la liberté et de la création. Intégrer un groupe aurait signifié suivre des process parfois rigides, ce qui ne correspond pas à ma manière de travailler. J’aime partir d’une page blanche, écouter, comprendre et construire des stratégies sur mesure.

Être indépendant me permet d’expérimenter, d’ajuster mes décisions rapidement et d’explorer des approches moins conventionnelles. Cette flexibilité me donne aussi la satisfaction de voir chaque collaboration comme une aventure unique. Ce lien direct avec mes clients, cette capacité à rester créatif et à m’impliquer pleinement, voilà ce qui donne tout son sens à mon travail.

LTH : Une dernière question Thomas. Si vous deviez remercier des personnes vous ayant accompagné toutes ces années…

Thomas Jahan, Hotel Analytics : Sans hésiter je souhaiterais exprimer ma gratitude en premier lieu à mon épouse Oxana, qui me seconde avec dévouement et est à mes côtés chaque jour. Je souhaite également remercier deux hôteliers exceptionnels, Monsieur Serhir et Monsieur Giraud, qui m’ont fait confiance et avec lesquels j’ai eu le privilège de parcourir un si beau chemin.

LTH : Merci infiniment Thomas pour cet entretien et tout le meilleur pour 2025 !

Thomas Jahan, Hotel Analytics : Merci à La Tribune de l’Hôtellerie pour cet échange passionnant.

Hotel Analytics

- Publicité -spot_img
spot_imgspot_imgspot_imgspot_img

Dernières infos