mar 10 décembre 2024,
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Titres restaurants | Pour la CNTR*, la concertation, unique voie pour moderniser et conforter le dispositif

La Commission Nationale des Titres-Restaurant (CNTR) publie les résultats d’une étude approfondie menée en partenariat avec C-Ways. Ce travail met en lumière les impacts économiques, sociaux et fiscaux des titres-restaurant, confirmant leur rôle majeur dans le soutien à la restauration de 5,4 millions de salariés, à l’économie locale et à l’emploi dans plus de 230.000 commerces français. Dans le contexte des récentes annonces gouvernementales sur la prolongation de l’élargissement de leur utilisation, la CNTR exprime sa position et propose des pistes pour accompagner leur modernisation, en phase avec les évolutions sociétales telles que l’essor du télétravail.

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*CNTR :Commission Nationale des Titres-Restaurant
Communiqué de presse de la CNTR_ La prolongation de l’élargissement de l’utilisation des titres-restaurant à tous les produits alimentaires pour une année répond au besoin de soutenir les salariés face à l’inflation alimentaire persistante.
« Le titre-restaurant ne doit pas devenir un titre-caddie. »

La possibilité d’utiliser ses titres- restaurant dans les grandes et moyennes surfaces (GMS) existe depuis le milieu des années 80 ; il est donc incorrect de dire que lafin de la mesure exceptionnelle de pouvoiracheter « tous les produits alimentaires » signifierait l’interdiction de les utiliser dans la grande distribution. A ce titre, il faut savoir que 75% des achats faits l’an dernier dans ces magasins étaient des préparations alimentaires immédiatement consommables et que, depuis, 2009 les titres-restaurant permettent d’acheter des fruits et légumes. Pour autant, le titre-restaurant ne doit pas devenir un « titre-caddie » car cela mettrait fin au dispositif (exonération liée à son objet spécifique dans le cadre du contrat de travail).

Mais, si ces derniers plébiscitent une plus grande flexibilité des titres-restaurant ; des représentants des restaurateurs mais également la grande majorité des membres de la CNTR (dont les organisations de représentation d’autres commerces de bouche, mais aussi les représentants des salariés, des employeurs et des émetteurs) ont exprimé leurs craintes concernant une déviation accrue de l’usage des titres vers des achats en grande distribution, au détriment des commerces de proximité et de la restauration traditionnelle.

La CNTR, de son côté, s’est prononcée contre toute pérennisation mais s’accorde sur le fait qu’une prolongation temporaire de 6 mois ou un an, permettrait de mener, enfin à terme, une réforme réglementaire plus globale du dispositif du titre-restaurant, pour éviter justement une perceptible dénaturation du dispositif.

« Les titres-restaurant sont conçus pour garantir aux salariés un accès à des repas équilibrés pendant leur journée de travail, tout en soutenant les restaurateurs et les commerces locaux. Adapter leur cadre d’utilisation est nécessaire, mais cela doit se faire avec prudence et concertation pour préserver leur vocation initiale et leur équilibre fiscal et social. » Patrick Bouderbala, Président de la CNTR

 

La CNTR propose plusieurs ajustements pour garantir l’efficacité et la durabilité du dispositif :

  • Une distinction claire des usages entre la restauration quotidienne du salarié pendant sa journée de travail, d’une part, par l’achat de préparations alimentaires immédiatement consommables (tel que cela est rédigé dans le Code du Travail) et, d’autre part, par l’achat de produits alimentaires non immédiatement consommables (pâtes, riz, œufs, viande et poissons frais). Cette distinction serait marquée par deux plafonds adaptés à chaque contexte, tout en maintenant un plafond journalier maximal à 25 € afin de ne pas faire du titre-restaurant un salaire « déguisé ».
  • Une revalorisation progressive des montants pour mieux refléter le coût réel des repas équilibrés ; c’est ainsi que nous pourrons mieux l’adapter à l’inflation et au pouvoir d’achat alimentaire des salariés.
  • Un dialogue renforcé avec les parties prenantes (employeurs, salariés, restaurateurs, commerçants assimilés et émetteurs) pour anticiper les évolutions nécessaires comme le prévoit d’ailleurs le Code du Travail.

 

Les enseignements-clés de l’étude

L’étude, réalisée en 2024, offre une analyse détaillée du dispositif actuel et des scénarios alternatifs. Les résultats soulignent la performance et l’importance des titres-restaurant dans le paysage économique et social français, avec des impacts différents selon les commerces où ils sont utilisés.

  • Un levier économique puissant

Chaque euro investi par les employeurs dans les titres-restaurant engendre 2,70 € injectés dans l’économie locale. Ce multiplicateur économique est particulièrement puissant car il apporte un chiffre d’affaires fléché à la fois chez les restaurateurs, les commerces de proximité et les grandes surfaces alimentaires. En 2023, ce sont ainsi 14 milliards d’euros qui ont directement bénéficié à ces acteurs économiques :

    • 8,6 milliards d’euros pour la restauration traditionnelle ou rapide, principale bénéficiaire du dispositif.
    • 2,9 milliards d’euros pour les grandes et moyennes surfaces, où les salariés se procurent des repas ou des produits alimentaires éligibles.
    • 2,5 milliards d’euros pour les commerces de proximité (boulangers, traiteurs, etc.), essentiels au tissu économique local et à l’animation des centres-villes.

Ces chiffres confirment que le titre-restaurant n’est pas seulement un avantage pour les salariés, mais un véritable moteur pour l’économie locale et le commerce de proximité. L’étude montre cependant que l’apport de ces consommations pour les recettes de l’Etat et pour l’emploi n’est pas le même selon le type de commerces où sont réalisés les achats par titre-restaurant. Il en est de même pour l’impact local.

  • Un soutien crucial à l’emploi

Le dispositif est également un pilier pour l’emploi. En 2024, près de 100 000 emplois directs sont soutenus par les titres-restaurant, dont 76 000 dans le secteur de la restauration et moins de 7 500 dans le secteur de la distribution alimentaire. En cas de suppression du dispositif, l’étude estime que :

    • 40 000 emplois pourraient disparaître, affectant gravement le secteur de la restauration, mais aussi les commerces alimentaires indépendants et leurs écosystèmes.
    • Les pertes d’emplois impacteraient particulièrement les zones rurales et périurbaines, où les commerces de proximité dépendent largement de ces flux financiers.

Ces data montrent que le titre-restaurant joue un rôle social clé, en soutenant des secteurs qui emploient localement et contribuent à la vitalité des territoires.

  • Une contribution fiscale significative pour l’État

Le dispositif des titres-restaurant est également une source de revenus significative pour l’État, qui perçoit environ 3 milliards d’euros par an via la TVA, les cotisations sociales et patronales, ainsi que les impôts sur les sociétés et sur les revenus. Après déduction des exonérations spécifiques accordées, le bénéfice net pour l’État est estimé à 845 millions d’euros par an.

Cette contribution illustre l’équilibre économique du dispositif, qui favorise les salariés et les entreprises tout en soutenant les recettes publiques.

Cependant, des disparités existent selon les commerces où sont utilisés les titres-restaurant. Chaque euro de titre-restaurant dépensé dans le secteur de la restauration génère 0,53€ de recettes sociales et fiscales pour les comptes publics, soit plus de 2 milliards d’euros au total. Alors que chaque euro dépensé en titre-restaurant dans la distribution alimentaire engendre 0,10€ pour l’Etat, soit 300 millions d’euros au total. Les commerces alimentaires de proximité génèrent quant à eux plus de 400 millions d’euros de retour d’impôts et de taxes.

  • Un pouvoir d’achat à renforcer

La valeur faciale moyenne des titres-restaurant, constatée à 8,75 €, est aujourd’hui insuffisante pour couvrir le coût réel d’un repas équilibré, estimé entre 12 et 19 €selon les régions et les types de restauration. Cette inadéquation pousse les salariés à compléter par leurs propres moyens, ce qui limite l’efficacité du dispositif en tant que soutien au pouvoir d’achat.

    • Une augmentation progressive de la valeur faciale est nécessaire pour s’aligner sur les réalités économiques.
    • Une réflexion sur une augmentation de la part patronale dans le cofinancement (au-delà des 60 % actuels) pourrait également être envisagée pour réduire l’effort des salariés.
  • Un modèle sans égal face à d’autres potentiels scénarios

L’étude a comparé le dispositif actuel à deux alternatives :

    • La conversion en salaire de la part patronale octroyée à ce jour en cofinancement du titre-restaurant. Dans ce scénario, les fonds injectés dans l’économie locale chuteraient drastiquement, passant de 9,4 milliards d’euros (actuellement via les titres-restaurant) à seulement 2,7 milliards d’euros. Cette diminution entraînerait une destruction importante d’emplois et une érosion du soutien aux commerces locaux.
    • L’instauration d’une prime déjeuner, non affectée à un usage particulier donc non traçable, aurait des effets similaires, réduisant l’impact local et créant des inégalités entre les salariés selon leur entreprise.

ET SI LE TITRE-RESTAURANT DISPARAISSAIT ?

Véritable soutien au pouvoir d’achat dédié à la restauration des salariés français, la disparition du titre-restaurant participerait à une dégradation du climat social sur plusieurs aspects.

Il faudrait également s’attendre à une rupture d’égalité entre les salariés des grandes entreprises qui continueraient à proposer un restaurant d’entreprise, et les autres qui ne bénéficieraient plus de titres-restaurant.

Par ailleurs, il serait paradoxal de voir disparaître le titre-restaurant, là où il a été créé, en France, il y a bientôt 60 ans lors d’une concertation entre le Général de Gaulle, les organisations syndicales et patronales de l’époque. Cette concorde doit être préservée alors même, que ce modèle social « made in France » a été exporté dans plus de 40 pays à travers le monde par des entreprises françaises.

Les enseignements de cette étude confirment donc bien la place centrale des titres-restaurant dans le modèle économique et social français. Ils montrent également qu’une modernisation du dispositif est nécessaire (et ce d’autant plus en regard de l’essor du télétravail en France qui a transformé durablement les habitudes de restauration des salariés) pour en maximiser les bénéfices, tout en répondant aux attentes des salariés et des entreprises.

Patrick Bouderbala @ credit linkedin
Patrick Bouderbala @ credit linkedin

« Le titre-restaurant doit évoluer pour répondre aux nouvelles habitudes alimentaires des salariés, qu’ils soient au bureau, en télétravail ou en déplacement. Cela passe par des ajustements adaptés aux réalités du terrain, sans perdre de vue leur vocation première. » Patrick Bouderbala, Président de la CNTR

 

C’est pourquoi la CNTR propose, entre autres, de :

  • Maintenir la raison d’être du titre-restaurant en distinguant les plafonds d’utilisation selon les usages (restauration sur place, repas à emporter, achats de produits non immédiatement consommables).
  • Encourager une flexibilité accrue pour accompagner les besoins spécifiques des télétravailleurs, tout en soutenant les commerces locaux et les restaurateurs.
  • S’appuyer sur les travaux entamés par des initiatives telles que celles de l’ancienne ministre Olivia Grégoire pour favoriser une concertation constructive avant les arbitrages ministériels ou parlementaires et aboutir à des évolutions cohérentes en mesurant tous les impacts. Ainsi, l’Etat pourrait même décider de rendre encore plus vertueuse la politique publique du titre-restaurant (extension à d’autres catégories de travailleurs que les salariés, valorisation d’une consommation plus durable et responsable, solidarité pour l’alimentation des plus démunis notamment).

 

Forte de ces enseignements, la CNTR invite donc les décideurs publics et privés à engager un dialogue approfondi pour moderniser le dispositif des titres-restaurant. Les pistes envisagées incluent une différenciation des plafonds selon les usages (restauration vs grande distribution), une revalorisation progressive de la valeur des titres-restaurant pour mieux refléter les réalités économiques, et leur numérisation intégrale pour simplifier les usages.

 

À propos de la CNTR | Créée en 1967, la Commission Nationale des Titres-Restaurant (CNTR) est l’institution collégiale sous tutelles des ministères du travail et des finances qui regroupe l’ensemble des parties prenantes du dispositif du titre-restaurant. Ces parties prenantes sont les organisations professionnelles d’employeurs (MEDEF, U2P, CPME), les organisations syndicales des salariés (FO, CFTC, CGT, CFE-CGC, CFDT), les représentants des restaurateurs et autres commerces (GHR, UMIH, GNR, Saveurs Commerce et les différentes confédérations des boulangers, pâtissiers, bouchers, traiteurs), les émetteurs de titres-restaurant (UpCoop-Hexeko, Wiismile, Ekip, Pluxee France-Glady, Swile-Bimpli, Edenred France, Resto Flash, Worklife, Benefiz, Coup de Pousse, Kyzpay) et les représentants des ministères du Travail et de l’Economie.

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