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Asset-light : bénédiction ou malédiction ? | Franchises, tiers opérateurs : les marques sont-elles en train de perdre leur pouvoir ?

Pendant des décennies, les marques hôtelières ont dicté l’expérience client, capturant valeur financière et image de marque. Aujourd’hui, l’essor de l’asset-light, des franchises, des tiers opérateurs et des plateformes comme Airbnb fragilise ce modèle intégré. Entre liberté retrouvée pour le propriétaire et dilution de l’identité des enseignes, l’hôtellerie de luxe entre dans une ère où le contrôle stratégique devient un puzzle éclaté. Analyse et perspectives.

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Pendant des décennies, le contrat de gestion plaçait la marque au centre du jeu. Elle choisissait les équipes, fixait les prix, concevait les cartes de restaurant et veillait à chaque détail du service. Le propriétaire détenait les murs ; la marque, elle, détenait l’âme. Cette maîtrise opérationnelle lui permettait de capturer la valeur à la fois financière (management fees, part de l’EBITDA) et immatérielle (fidélité, réputation, cohérence internationale).

Du contrat de gestion à la perte d’influence

Cette approche intégrée explique pourquoi les marques ont longtemps été considérées comme incontournables, capables de garantir l’expérience client et de maximiser la valeur pour toutes les parties prenantes.

Mais aujourd’hui, la conjugaison de plusieurs phénomènes risquent de mettre à mal le modèle de ces géants hôteliers.

Les intérêts divergent : la marque cherche ses royalties, l’opérateur vise la marge opérationnelle. Résultat : la promesse d’expérience homogène, longtemps pilier du luxe hôtelier, se fissure.

Les incontournables OTA et l’irruption récente sur les plateformes de réservation hôtelières d’Airbnb

Après la concurrence intra hôtelières, les hôteliers sont confrontés à la fragmentation de leur marché et à  la perte de gains.

L’ asset-light, accélérateur de croissance et … de perte de contrôle

Le modèle asset-light fragmente le pouvoir des marques, mais il offre également de nombreux avantages. En se libérant de la propriété immobilière, l’hôtelier gagne en capacité d’expansion rapide, réduit son risque financier et obtient plus de flexibilité stratégique. Il peut céder, repositionner ou tester de nouveaux concepts sans immobiliser des milliards dans la pierre, tout en se concentrant sur le marketing, la fidélisation et l’innovation.

Des groupes comme Marriott, Hilton ou Accor ont ainsi pu passer d’opérateurs régionaux à réseaux mondiaux en quelques décennies. Néanmoins, ce levier puissant doit être manié avec précaution pour ne pas diluer l’identité de la marque.

Le contrat de franchise, la liberté retrouvée pour le propriétaire mais une  influence réduite pour la marque

Avec l’essor des contrats de franchise, le propriétaire retrouve une autonomie accrue, parfois jusqu’à gérer lui-même l’hôtel ou déléguer à un tiers opérateur. Mais cette liberté a un coût : l’empreinte de la marque sur le quotidien se réduit, les standards deviennent plus difficiles à maintenir et, à l’échéance du contrat, il devient facile de changer d’enseigne.

Dans certains cas, la marque n’a plus voix au chapitre sur le choix du General Manager ou des cadres stratégiques (DAF, Com’…) – des postes clés pour l’ADN d’un hôtel. L’identité même de l’établissement se dilue, remplacée par une logique purement opérationnelle.

La tentation du tiers opérateur

L’essor des tiers opérateurs : de futures concentrations chez les tiers opérateurs (fusions et acquisitions) qui vont renforcer l’inévitable rupture entre marque et gestion  ?

La montée d’acteurs tiers comme le géant américain Aimbridge  (1 500 établissements répartis dans 50 États américains et 23 pays) risque d’accentuer cette dissociation. Et les fusions acquisitions vont certainement « s’emballer » dans ce secteur ! On observe ainsi dans ce secteur des opérateurs tiers les premières fusions-acquisitions. Dernière en date, la reprise de la société de gestion hôtelière du groupe Pro-invest acquise par EVT annoncée le 18 août ! 

Changer de packaging plutôt que de « controller »

À terme, on peut imaginer qu’un hôtel optera plus aisément pour un changement d’enseigne que pour un changement de tiers opérateur.

L’offensive du “eatertainment” : la table en terrain conquis, une perte d’image pour les groupes hôteliers…

Parallèlement à l’essor des tiers opérateurs, un autre phénomène tend à réduire le spectre d’intervention des enseignes : l’intégration de groupes de restauration expérientielle comme SBE Entertainment Group, LPM, D.ream, Paris Society ou Sunset Hospitalityen lieu et place des traditionnels restaurants d’hôtels, qu’ils soient brasseries ou gastronomiques.
Ces partenariats séduisent par leur créativité, mais ils privent la marque hôtelière d’un levier stratégique majeur en matière de communication (notamment digitale) : la gastronomie comme signature. La marque hôteliere va gagner en marge, en RBE (GOP) mais perdra en influence, en notoriété ….  Et si la marque qui capitalise sur l’image perd sur ce terrain….
Ainsi, l’hôtel se recentrant sur l’hébergement, les petits-déjeuners et les séminaires/ banquets, il augmente son  risque à devenir à terme un simple fournisseur de chambres plutôt qu’un orchestrateur d’expériences globales.

Un risque déjà vu ailleurs : la commoditisation

Ce scénario rappelle celui de la grande distribution : longtemps dépendants des grandes marques, les distributeurs ont développé leurs MDD pour s’émanciper et capter la valeur. Dans l’hôtellerie, la combinaison franchise + tiers opérateurs + OTA + Airbnb + eatertainment pourrait transformer les enseignes en “marques génériques” : interchangeables, louées pour leur notoriété mais remplaçables en un instant. Quand le prix devient le seul différenciateur, la fidélité s’érode.

La chaîne de valeur : d’un modèle intégré à un puzzle éclaté

Hier – Modèle intégré

ClientMarque (opérateur) → Contrôle complet + EBITDA + management fees
Propriétaire → Rente immobilière

Aujourd’hui – Modèle éclaté

ClientOTA (15-25 % du prix)
Propriétaire / Tiers opérateur → Marge opérationnelle
Marque → Royalties + marketing fees
F&B externe → Recettes restauration / événementiel

Cette comparaison illustre combien le contrôle stratégique des marques peut se diluer lorsque la gestion et la distribution se fragmentent.

La riposte des hôteliers : entre boulimie de marques et conquête du Monde, la fuite en avant ?

Cette fragmentation n’est pas une fatalité. Certains groupes continuent de conjuguer possession et exploitation, préservant ainsi leur identité, à l’instar du scandinave Pandox AB en Scandinavie. Mais ces groupes sont très minoritaires. D’autres ont acquis ou développé des enseignes de restauration ( tout en leur garantissant une indépendance gage d’innovation) sur le segment de l’eatertainment ou même du catering pour garder la main sur la restauration, vecteur d’image essentiel.
Cependant, la stratégie actuelle des géants hôteliers est d’éviter les zones blanches (ie où leur présence est nulle ou quasi nulle) et de conquérir tous les marchés : ainsi, entre rachats d’enseignes sur des marchés de niche ou fusion acquisitions de groupes, l’objectif actuel est de grossir pour tenir.

Ainsi, le sous continent indien est devenu un enjeu stratégique compte tenu de ses potentialités comme le segment lifestyle ou « all inclusive » au niveau mondial.

De l’importance de reprendre le fil narratif…

Le modèle asset-light a ouvert les portes d’une croissance rapide, mais il a aussi fait perdre aux marques le contrôle de leur récit. Reprendre la main sur le recrutement clé, réinvestir le F&B comme vitrine de l’identité et protéger l’expérience client sur toute la ligne : autant de leviers pour éviter de devenir… un simple logo sur une façade.

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