Le mont Sinaï, ou Jabal Musa, s’élève majestueusement dans le désert du Sud-Sinaï. Lieu biblique où, selon la tradition, Moïse aurait reçu les Dix Commandements, il abrite le monastère Sainte-Catherine, fondé au VIᵉ siècle et considéré comme le plus ancien monastère chrétien au monde encore en activité.
Ce site d’une valeur spirituelle, historique et naturelle exceptionnelle — classé au patrimoine mondial de l’UNESCO— se trouve aujourd’hui au cœur d’une controverse internationale.
Depuis 2021, le gouvernement égyptien déploie le projet « Egypt’s Great Transfiguration Project / Grande Transfiguration sur la Terre de la Paix », présenté comme « un cadeau de l’Égypte au monde et à toutes les religions ».
Ce projet prévoit la construction d’hôtels, de villas, d’éco-lodges, d’un centre d’accueil des visiteurs, ainsi que l’extension de l’aéroport et la création d’un téléphérique menant vers le sommet du mont.
Les autorités affirment vouloir « conjuguer développement touristique, respect environnemental et valorisation patrimoniale » tout en stimulant l’économie locale.
“At a glance” 👀
Location : Mount Sinai & Saint Catherine Monastery, South Sinai, Egypt
Project name : “Great Transfiguration on the Land of Peace”
Scope : Luxury hotels, villas, eco-lodges, visitor center, airport expansion, cable car
Controversy : Displacement of Jebeleya Bedouins, Orthodox heritage tensions, UNESCO alerts
Global concern : Appeals from Greece, UNESCO & St Catherine Foundation
Status : Under development – launched 2021
🌍 Héritage et communautés sous pression
Mais la transformation du site provoque une inquiétude croissante.
Selon plusieurs sources, des familles bédouines Jebeleya, gardiennes historiques du monastère, auraient perdu leurs maisons ou leurs éco-camps, parfois sans compensation, pour laisser place aux nouvelles infrastructures.
La Grèce, historiquement liée à Sainte-Catherine, a également réagi vivement après qu’un tribunal égyptien ait déclaré le monastère propriété de l’État, fragilisant son autonomie juridique. L’archevêque Iéronymos II d’Athènes a dénoncé une « menace existentielle pour le patrimoine orthodoxe ».
🏛️ Patrimoine mondial et alertes de l’UNESCO
L’UNESCO a fait part de préoccupations répétées quant aux impacts du projet sur la “valeur universelle exceptionnelle” du site.
L’organisation rappelle que l’isolement et le silence du Sinaï font partie intégrante de son essence spirituelle.
Des ONG, dont World Heritage Watch, ont appelé à placer le monastère Sainte-Catherine sur la liste du patrimoine mondial en péril.
Même le roi Charles III, patron de la St Catherine Foundation, a été sollicité pour intervenir, lui qui qualifiait récemment le lieu de « trésor spirituel mondial qu’il faut préserver pour les générations futures ».
🏗️ Développement ou dénaturation ?
Le gouvernement égyptien maintient que le projet respecte un équilibre entre tourisme moderne et préservation culturelle.
Mais sur le terrain, les nouvelles routes et chantiers modifient déjà le paysage désertique immaculé, notamment la plaine d’el-Raha, où, selon la tradition, les Israélites auraient attendu Moïse.
Pour les observateurs, la situation évoque celle des années 1980 lors du développement de Sharm el-Sheikh, où les populations bédouines furent marginalisées face à la montée du tourisme balnéaire industriel.
Les autorités promettent cette fois-ci un modèle durable conciliant spiritualité et hospitalité haut de gamme.
Toutefois, pour de nombreux acteurs du patrimoine, le risque est grand de voir le mont Sinaï devenir un “Disneyland spirituel” — une destination de masse là où le silence, la foi et la nature régnaient en maîtres.