Le dialogue social se tend dans la branche hôtels-cafés-restaurants (HCR) autour d’une idée qui fait consensus au départ : le recours au dispositif d’activité partielle de longue durée (APLD), afin de sécuriser les entreprises et l’emploi alors que le secteur traverse une crise sans précédent . Sur le papier, l’APLD pourrait prendre le relais du dispositif de chômage partiel amélioré dont bénéficie la branche jusqu’au 31 décembre.
Si l’objectif est unanimement partagé par le patronat et les syndicats, les discussions menées ces dernières semaines viennent d’échouer. Aucune organisation syndicale n’a paraphé le projet d’accord, déjà approuvé par le patronat, qui était proposé à la signature des syndicats jusqu’au 10 novembre. La CFDT et la CGC, qui se sont déclarées favorables au texte, n’ont pas confirmé leur intention au tout dernier moment. Hostiles au texte et majoritaires ensemble, la CGT et FO ont menacé plus ou moins ouvertement de s’opposer à sa mise en oeuvre, du fait de « trois points bloquants ».
Durée du travail
Le premier d’entre eux porte sur la rémunération des salariés. Dans le cadre de l’APL, ceux-ci reçoivent une indemnité horaire correspondant à 70 % de la rémunération brute dans la limite de 4,5 SMIC. La branche HCR ayant une durée du travail hebdomadaire dérogatoire de 39 heures, se pose la question de la prise en compte des heures entre la 35ème et la 39ème. Ce point sensible avait déjà été soulevé avec le régime d’activité partielle traditionnel.
La CGT et FO, qui en ont fait un préalable, ont saisi le 9 novembre la ministre du Travail Elisabeth Borne et le ministre de l’Economie Bruno Le Maire dans un courrier commun. L’incertitude a été levée rapidement, le gouvernement ayant depuis donné des assurances quant à la prise en compte des 39 heures. En conséquence, le patronat a remis le protocole d’accord à la signature jusqu’au 19 novembre. Pour autant, deux autres points restent en suspens.
Grands et petits
Le duo CGT-FO s’oppose également à tout licenciement et à tout versement de dividende en période d’APLD. Cette dernière peut être mise en place dans la limite de 24 mois, consécutifs ou non, sur une période de 36 mois consécutifs. Le duo CGT-FO veut donc des « contreparties » au financement du dispositif par l’Etat, l’employeur recevant une allocation équivalente à 60 % de la rémunération horaire brute limitée à 4,5 fois le taux horaire Smic.
« Nous regrettons une fois de plus que les grands groupes se cachent derrière la myriade de petites entreprises », cingle le négociateur CGT, Stéphane Fustec. « Il s’agit de ne pas faire n’importe quoi avec l’argent public », tonne Nabil Azzouz, le secrétaire fédéral de la fédération FGTA (pour FO). « Notre position est claire. Si on ne nous écoute pas, il n’y aura pas d’accord », ajoute-t-il. Considérant que le projet d’accord est, en l’état, « flou sur les engagements et les efforts des entreprises », le négociateur FO souhaite une « rédaction éthique » qui préciserait leurs « efforts en rapport avec ceux consentis par les salariés ».
Clause de revoyure
Ce dernier se montre de surcroît ouvert à la prise en compte de la dégradation de l’activité et de ses éventuelles conséquences sur l’emploi. A ce titre, il plaide pour l’inscription d’une « clause de revoyure » et de la possibilité d’une éventuelle négociation au sein des entreprises ayant des délégués syndicaux. « Nous sommes bien conscients et inquiets de la situation économique et sociale du secteur », souligne Stéphane Fustec, à la CGT.
A ce stade, le patronat ne paraît pas toutefois vouloir changer de ligne. « Je renvoie la CGT et FO à leur responsabilité devant les salariés. En ne signant pas le texte sur l’APLD, ils privent les salariés d’une partie de leur rémunération », martèle le président de la commission sociale de l’Umih – la principale organisation patronale -, Thierry Grégoire.
Dans une branche hôtellerie-restauration, à laquelle sont rattachés les traiteurs et des discothèques, l’enjeu de l’APLD est considérable. Le dispositif concernerait plus de 740.000 salariés, sachant que la branche regroupe plus ou moins 960.000 actifs dans plus de 200.000 entreprises. Les gérants salariés d’une société individuelle seraient également couverts.
Faute d’accord sur l’APLD et de prolongement de leur dispositif spécifique sur le chômage partiel, les entreprises de la branche devraient se résoudre à recourir à la formule classique du chômage partiel pour faire face à leur bas niveau voire absence d’activité. Sans prise en charge donc à 100% par l’Etat. Dans cette affaire, il y a donc un enjeu pour les salariés et les employeurs. D’autant que la menace de plans sociaux grandit toujours plus. Selon une récente enquête réalisée par le patronat, 65,8 % des professionnels – plus de 6.600 entreprises du secteur répondant – craignent en effet que la « deuxième fermeture administrative puisse condamner » leur établissement.