Émile Viciana, Directeur des Opérations Groupe Cité Hôtels … « réussir sa carrière c’est aussi vivre pleinement sa vie »

« Il est des personnes qui ne feront qu’effleurer la lisière de notre existence, mais qui s’imprimeront pourtant dans notre être comme peu d’autres. Sans qu’on puisse comprendre comment ni pourquoi. Surtout pourquoi. » Romain Guilleaumes
Le Bûcher des Illusions – Côté coeur

C’en 1992 que j’ai croisé le chemin de celui que j’ai la chance d’accueillir aujourd’hui autour d’un dîner-entretien chez « Bonnie ».

À l’époque, alors qu’il était encore un tout jeune professionnel, son calme et sa capacité à entraîner les autres (« la valeur n’attend pas le nombre des années »), son sens de l’écoute, sa discrétion avaient séduit l’équipe et la Direction du Noga Hilton Cannes (désormais JW Marriott Cannes) et en premier lieu Jean Welti, alors Directeur Général et Ulrike Weckler, Directrice Restauration.

Sa trajectoire de vie ne fera que confirmer la pertinence de cette première impression.

Aujourd’hui, Émile Viciana est le Directeur des Opérations du Groupe Cité Hôtels, collection familiale de bijoux occitans.

Son parcours est avant tout celui d’un autodidacte comme il aime à le rappeler. Mais un autodidacte en formation constante. Ses années « Accor » resteront, à ce titre mais pas que, une période professionnelle remarquable. Il y rencontrera non seulement des personnes « incroyables », des « modèles » mais pourra profiter du vivier de la multinationale française, vivier qui lui permettra de se développer continuellement.

Ce que j’ai toujours apprécié chez Émile, c’est l’importance qu’il accorde aux mots et à l’action : aux « dires » stériles, il préfère « le faire ». « Entre amis », cet éternel discret accepte de répondre à mes questions.

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LTH : Pourquoi avoir fait le choix de l’hôtellerie ? Tes parents étaient dans l’hôtellerie ? 

Émile Viciana : Pas du tout ! Mon père a fait carrière dans l’industrie…. pétrolière, aussi ai-je passé une grande partie de mon enfance et de mon adolescence en expatriation en Afrique du Nord, en Afrique équatoriale et en Amérique centrale.

J’étais destiné à suivre les traces de mon père. C’était écrit, sauf que les choses ne se sont pas passées tout à fait comme prévu….

Je suis parti à Londres pour apprendre la langue, et pour ‘mettre du beurre dans les épinards’ d’un jeune homme qui pensait essentiellement à faire la fête et profiter de la vie, génération Z avant l’heure, j’ai eu l’opportunité de rentrer dans l’équipe de salle d’un restaurant français de Knightsbridge, puis quelques mois après dans un hôtel de luxe le Berners hôtel (devenu The London Edition) à deux pas d’Oxford Street, et enfin de faire l’ouverture du Méridien à Piccadilly (désormais The Dilly).  Ces différentes expériences, exclusivement destinée à subvenir à mes besoins primaires au départ,  devinrent petit à petit un vrai plaisir, une passion.  J’avais découvert un métier passionnant fait de représentation théâtrale pendant les services, d’esprit d’équipe, de solidarité, le tout dans une ambiance extraordinaire. Les coups de feu, « it was my thing » ! Bref en deux ans, j’avais accumulé les expériences et définitivement trouvé ce qui sera ma voie pour la suite.

LTH : Alors qu’une carrière internationale s’offrait à toi en Angleterre, pourquoi avoir fait le choix du retour en France au début des années 90 ?

Émile Viciana : À Londres, j’avais découvert mon Métier, ma passion. Pour envisager un futur professionnel de qualité, il me fallait désormais intégrer un grand groupe international. C’est dans cet esprit que j’ai postulé au Hilton International à Strasbourg. Ce choix fut le bon et durant 5 ans, j’ai trouvé le terrain d’apprentissage idéal !

À cette époque, il est vrai que j’aurais pu repartir à l’étranger (de surcroît, mon épouse est anglaise !) mais la vie vous rattrape vite et j’ai toujours appréhendé ma vie dans sa globalité, intégrant dans mes choix, l’équilibre familial qui contribue à la performance professionnelle. Les enfants qui grandissent (Émile est père de 3 grands enfants) et la vie qui défilent trop vite ont donc fait que je suis resté en France. Ce n’est pas un regret. Bien au contraire.

LTH : Après Hilton tu as intégré Accor. 24 années consacrées à ce groupe. Qu’en retiens-tu ?

Émile Viciana : Un incroyable voyage professionnel et humain ! Certes, le groupe Accor a beaucoup changé sur les 25 dernières années. Ce changement a impacté les hommes bien sûr, puisque les années passent inexorablement, mais aussi le modèle économique qui est passé d’un groupe majoritairement propriétaire de ses hôtels à une liste impressionnante de plus de 50 marques opérées par des propriétaires franchisés ou managés.

Accor a été et reste un formidable lieu d’apprentissage, d’épanouissement et d’opportunité professionnelle. Ainsi à l’âge de  35 ans, j’ai eu la chance d’intégrer « le Vivier Accor » et de suivre le cursus d’un an à l’ESSEC Paris pour intégrer « International Hospitality Management Programme » (IHMP). 10 ans plus tard, j’ai de nouveau été sélectionné pour suivre l’excellente formation « Centre de Perfectionnement aux Affaires – CPA » de la Toulouse Business School . 

Chez Accor, tout au long de ma carrière,  j’ai rencontré des gens passionnés et passionnants, on m’a fait confiance en me donnant l’opportunité de diriger des établissements exceptionnels. En bref, Accor m’a permis de grandir et de progresser.

LTH : Tu évoques des rencontres humaines incroyables, peux-tu citer les personnalités qui t’ont le plus marqué tout au long de ton parcours ?

Émile Viciana : Le premier manager que j’ai envie de citer est Yves Karcher au Hilton de Strasbourg ; il était à l’époque le directeur F&B (Restauration) de l’hôtel. Sa rigueur, son exigence et sa bienveillance ont été un exemple que j’ai tenté de reproduire tout au long de ma carrière.

Philippe Averseng a été mon premier manager chez Accor, il me fera confiance en m’accompagnant tout au long de mon process d’apprentissage jusqu’à mon premier poste de directeur d’hôtel. Nous avons travaillé ensemble à Cannes et à Chamonix. Plus qu’une relation professionnelle, Philippe est devenu un proche, toujours bienveillant et de bon conseil. 

Olivier Brugère fut mon manager lors de ma première expérience en tant que directeur d’hôtel au Sofitel de Quiberon. Fort d’une longue expérience à la tête d’hôtels de luxe, il a été pour moi un exemple et fait partie de ces rencontres décisives !

Enfin, je souhaiterais citer Denys Sappey (Accor) et Hadrien Pujol (Cité Hôtels) pour leur confiance et leur bienveillance.

Tous ces personnages et beaucoup d’autres ( ils m’excuseront de ne pas les avoir tous cités) ont contribué à mon évolution professionnelle!

Ces rencontres n’ont fait que conforter l’idée que je me fais de notre métier :  l’humain est l’asset principal de notre industrie !

Les rencontres professionnelles avec les dirigeants, les collaborateurs et les équipes des hôtels ont largement contribué à mon développement. Je n’en oublie pas pour autant la chance que j’ai eue d’accueillir et d’échanger avec des clients extraordinaires et qui m’ont également permis de grandir.

LTH : Si tu devais comparer l’hôtellerie du début de la fin des années 90/ début des années 2000, as-tu relevé de profonds changements ? Si oui lesquels ?

Émile Viciana : Je dirais que nous avons vécu 6 changements d’importance : 

• l’explosion des marques hôtelières correspondant à une multitude de positionnement sur le marché.
• l’arrivée de nouveaux entrants comme Airbnb, Abritel etc.. qui contraignent  les hôteliers à revoir leur services et leurs pratiques
• les nouvelles attentes des clients qui souhaitent désormais  vivre une expérience, pas seulement trouver un lit ! 
• un changement dans la mentalité des équipes ! Aujourd’hui les collaborateurs, dans leur grande majorité, ont un rapport au travail foncièrement différent, tourné vers le « je veux tout, immédiatement » : le salaire, les responsabilités, du temps pour les loisirs ; donner du sens à leur travail… Il faut donc s’adapter aux attentes des nouvelles générations. C’est dans l’ordre des choses.
• le digital est omniprésent : il « drive » notre distribution et nos pratiques pour plus de rapidité, plus de prescripteurs. Avec le poids grandissant des OTA dans notre distribution qui devient très voire trop important.
• et enfin, l’éco-responsabilité  qui n’était  pas véritablement un sujet il y a encore 15/20 ans !  Autant de sujets qui nous demandent de nous adapter sans cesse.

LTH : Depuis 2019 à la tête des opérations de Cité Hotels, quels sont les objectifs et la vision du groupe pour l’avenir ?

Émile Viciana : Le groupe Cité Hôtels a fêté ses 60 ans en 2023 et est aujourd’hui composés de 7, bientôt 8 établissements sur 4 destinations en Occitanie (Carcassonne, Toulouse, Ax-les-Thermes et Figeac), 4 hôtels 4 étoiles, 2 hôtels 5 étoiles avec 2 restaurants étoilés, un restaurant de grande capacité à l’intérieur de la cite médiévale de Carcassonne et enfin un traiteur qui rayonne autour de Carcassonne.

En 2019, décision a été prise de faire prendre un virage au Groupe ! J’ai intégré à ce moment-là Cité Hôtels avec comme mission de piloter ces changements. La finalité stratégique de l’entreprise est de devenir une référence incontournable de l’hôtellerie en Occitanie.

Depuis 4 années nous nous efforçons d’atteindre cet objectif au travers d’une ambitieuse politique commerciale, humaine et économique : ouvertures d’établissements, rénovations et repositionnements, qualité de service et formation, développement commercial et optimisation des process de gestion conduisent au quotidien nos actions.  Les résultats du groupe depuis la reprise post-covid sont encourageants et nous confortent dans l’idée que nous sommes sur la bonne voie !

LTH : Si tu devais donner des conseils aux jeunes de notre métier ?

Émile Viciana : Honnêtement, je n’ai pas la prétention d’être un modèle mais à la lumière de mon parcours, je crois que l’une des meilleures décisions que j’ai pu prendre est d’avoir investi une partie de mes économies, à l’âge de 30 ans, dans une formation à Nice à l’ IMDI / INFA.  En acquérant des fondamentaux académiques, j’ai pu ainsi envisager l’avenir avec sérénité et appréhender mes futurs entretiens professionnels avec confiance. Ne jamais arrêter de se former et d’investir sur l’éducation. 

LTH : Tu prépares, selon la rumeur, l’ouverture d’une nouvelle unité pour le Groupe Cité Hôtels prochainement, non ?

Émile Viciana : (sourire). Oui, tu sais, j’ai connu dans ma vie près de 4 ouvertures avec le Méridien de Piccadilly, j’étais alors commis de salle, le Noga Hilton Cannes en qualité de Chef de service, les Cures Marines MGallery Trouville-sur-Mer en tant que directeur général et bientôt, l’ouverture de ce fantastique projet qu’est le Mercure d’Ax-les-Thermes en tant que directeur opérationnel. 

LTH : Une ouverture, et je suis bien placé pour en parler, c’est unique…

Émile Viciana : Tu as raison. Chaque ouverture fut une aventure humaine exceptionnelle mêlant rencontres humaines géniales et intensité folle ! L’équipe se serre les coudes, consciente ou non de faire partie de l’histoire hôtelière d’une ville, d’une région. L’euphorie que cela engendre est dopante, inspirante. Ce sont des instants de vie inoubliables ! Et le premier client à franchir la porte c’est un moment dont on se souviendra à jamais

LTH : Émile, mille mercis pour cet échange sincère et surtout à très vite pour l’ouverture d’Ax-les-Thermes !