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L’avenir hôtelier : « Etablir Kasada comme le premier investisseur en Afrique subsaharienne »

Appuyé par le fonds souverain du Qatar (Katara Hospitality) et l’hôtelier mondial AccorHotels, Kasada Hospitality Fund est de ces investisseurs qui ont continué de miser dans l’hôtellerie africaine au cours des deux dernières années. Pour La Tribune Afrique, Olivier Granet -Managing Partner & CEO et David Damiba -Managing Partner & CIO, qui nourrissent une forte ambition pour les marchés africains, croisent leur analyse de l’évolution d’un secteur qui tente de tisser les cordes d’un nouveau rayonnement après une profonde crise. Entretien.

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Kasada en bref

Kasada Capital Management est une plateforme d’investissement indépendante au sein du groupe Kasada, dédiée à l’hôtellerie en Afrique subsaharienne. L’entreprise a été lancée en 2018 avec le soutien de Qatar Investment Authority, le fonds souverain de l’État du Qatar, et d’Accor, un leader mondial de l’hôtellerie.

La stratégie d’investissement de Kasada Capital Management couvre tous les segments, de l’économie au luxe, et cible à la fois des projets d’hôtels à construire et de reprise d’hôtels existants. Les hôtels du groupe Kasada sont exploités sous les enseignes Accor, bénéficiant ainsi de la large gamme de marques Accor et de leurs renommées internationales. En investissant dans une région qui offre de solides opportunités de croissance, le groupe Kasada vise à la fois un rendement attractif ajusté au risque pour les investisseurs et un impact positif à long terme sur les économies locales.

En avril 2019, le groupe Kasada a finalisé son premier fonds, Kasada Hospitality Fund L.P., avec des engagements en fonds propres de plus de 500 millions de dollars.

LA TRIBUNE AFRIQUE – En 2020, vous disiez – Olivier Granet – que le secteur de l’hôtellerie en Afrique « ne sera plus jamais le même ». Deux ans après l’apparition de la maladie à coronavirus sur le continent, qu’est-ce qui a effectivement changé ?

OLIVIER GRANET – Les principaux enjeux restent les mêmes et je crois que la crise a renforcé les fondamentaux sur lesquels nous travaillons dans le secteur de l’hôtellerie en Afrique. Le financement en est le premier, non seulement en termes d’accès mais aussi de taux et de durée, bref, les conditions qui permettent de développer des hôtels plus ou moins aisément. Cette réalité existait avant la crise et celle-ci n’a fait que l’amplifier. De ce fait, il est toujours difficile -voire impossible- pour des banques commerciales de financer de nouveaux projets hôteliers.

Nous faisons le constat que sur les douze à dix-huit mois qui viennent, en dehors de quelques opérations et quelques marchés spécifiques, il est important d’avoir le soutien des organismes de développement pour arriver à pallier les difficultés du secteur, à l’instar du partenariat stratégique que Kasada a noué avec IFC et Proparco pour financer l’expansion de notre portefeuille d’hôtels.

Nous nous disions il y a deux ans que le secteur serait différent parce que les attentes des clients seraient différentes. Et cela s’est avéré. Aujourd’hui, les voyageurs choisissent leur destination en fonction de leur visibilité sur la compréhension des protocoles sanitaires et de l’expérience sur place. Ils cherchent ainsi à la fois de la réassurance et du confort. Le fait de pouvoir voyager dans de bonnes conditions est devenu un facteur décisif. Parallèlement, le besoin de découverte et de retrouvailles fait qu’après ces deux dernières années, la soif de voyager est grande. Cela représente un enjeu majeur pour le secteur qui doit arriver à conjuguer tous ces facteurs, afin d’aboutir à des offres attractives qui répondent aux besoins d’autenticité et de sécurité.

Le troisième enjeu est celui de la construction. Arriver à construire ou rénover un hôtel dans les délais et avec un budget qui correspondent aux attentes est malheureusement devenu encore plus difficile. Et ce, en raison de tous les aspects liés à la logistique et à l’approvisionnement qui sont beaucoup plus compliqués qu’ils ne l’étaient avant la pandémie. Cependant, les opportunités et les perspectives sont malgré tout nombreuses, d’où la présence importante de notre plateforme avec l’expertise nécessaire et la taille critique pour trouver des solutions face à ces difficultés.

Justement, Kasada Hospitality Fund a entamé l’année avec en poche un accord de financement de 160 millions de dollars signé l’été dernier avec IFC pour le déploiement du plan de soutien au secteur hôtelier africain et la mise en place dans vos établissements des pratiques ESG conformes aux standards internationaux. Comment ce partenariat est-il né ?

DAVID DAMIBA – Je souligne tout d’abord que ce partenariat est une innovation, car il s’agit en fait d’une plateforme de financement, laquelle augmentera notre force de frappe en tant qu’investisseurs. Tout est parti de l’engagement d’IFC à contribuer à relancer le secteur de l’hôtellerie et du tourisme sinistré par la pandémie. La réalité est qu’en situation de crise, les banques -faisant face à des clients sous pression avec des besoins financiers importants- cessent de déployer du capital. Or pour des investisseurs comme nous et surtout dans notre domaine d’opération, le financement est extrêmement important, parce qu’il permet de supporter notre capital equity. IFC a donc eu une approche assez rare, car l’institution mise sur la proximité pour nous fournir du financement « senior debt ». IFC ayant une certaine expertise dans le secteur et des bureaux dans plusieurs pays africains, cela renforce le caractère stratégique de ce partenariat.

Grâce à ce financement, Kasada a acquis en 2021 un portefeuille d’hôtels en Côte d’Ivoire, au Cameroun et au Sénégal. Mais concrètement, en quoi consiste votre plan de soutien au secteur ?

D. D. : Nous sommes la plus grande plateforme financière en Afrique dédiée au secteur de l’hôtellerie, lequel a aujourd’hui fortement besoin de capital. Du fait de la crise liée au Covid-19, de nombreux hôtels ont fermé, les propriétaires ont des difficultés pour les rouvrir… En dépit du contexte en 2021, nous avons acquis 10 hôtels dans quatre pays, les trois que vous citez, ainsi que la Namibie. C’est dire l’importance de notre engagement, d’autant que lorsque nous achetons un hôtel, nous y réinvestissons, nous le relançons, nous y recréons les emplois perdus pendant les dix derniers mois.

O. G. : 2021 a été l’année de la mise en place de nos fondamentaux pour démontrer notre capacité à accompagner le secteur. Nous avons en effet procédé à nos premières acquisitions, la mise en place de nos actions d’asset management, le développement de talents locaux, l’obtention de nos premières certifications Edge pour l’aspect développement durable de nos hôtels… En 2021, nous avons piloté ce cycle complet et 2022 est pour nous -nous l’espérons- une année de croissance au cours de laquelle nous allons accélérer notre déploiement et essayer de passer de dix hôtels dans quatre pays à une véritable couverture de toutes les villes clés d’Afrique subsaharienne. Nous nous attendons à d’importantes annonces lorsque les discussions en cours seront finalisées.

Quels marchés visez-vous en priorité ?

O.G. : Nous nous déployons conformément à notre stratégie avec cette volonté d’établir Kasada comme le premier investisseur hôtelier en Afrique subsaharienne avec une présence équilibrée dans les différentes parties du continent. A ce stade, je peux dire que nous regardons particulièrement les villes d’Afrique de l’Est et du Sud ainsi que Lagos.. Nous regardons aussi Dakar et Abidjan où nous aimerions nous renforcer.

Quels sont les critères qui régissent vos investissements sur les marchés du continent ?

D. D. : Nos villes cibles sont généralement les grands centres économiques africains -sachant que nous pouvons être opportunistes et regarder à des villes secondaires-, puisque nous ciblons toujours les hôtels à partir de 100 chambres et plus. Notre méthodologie est assez complexe, car nous conjuguons différentes approches qui mêlent macroéconomie (y compris le risque politique), réalités du secteur et ingénierie financière. Là-dessus, nous travaillons notamment avec des entités de la Banque mondiale.

Alors que le contexte qui s’installe aujourd’hui -au lieu d’être post-Covid- semble être celui d’une vie avec le virus, quel est le mindset des investisseurs opérant dans le domaine hôtelier ?

D. D. : En tant qu’investisseur à très long terme, nous sommes capables d’investir à travers les différents cycles auxquels nous faisons face. Nous sommes dans un cycle de pandémie où le secteur hôtelier subit énormément de pression, mais un véritable investisseur se reconnaît à sa capacité à comprendre les risques pour saisir les opportunités… Dans l’hôtellerie, les deux à six premiers mois qui suivent l’achat d’un hôtel sont un peu plus incertains. L’investisseur anticipe la volatilité et les difficultés. Cette période correspond aussi à celle du repositionnement des acquisitions. Mais au final, l’investisseur peut enregistrer de très bons résultats sur dix ans. C’est la raison pour laquelle nous n’avons pas arrêté d’investir malgré la crise.

O.G. : Dans l’hôtellerie, il y a des investisseurs opportunistes, c’est-à-dire que ce n’était pas leur cœur de métier mais ils ont voulu se diversifier. Une fois engagés, ils réalisent que les difficultés sont beaucoup plus importantes que leurs estimations et peuvent donc décider de se retirer. Mais les investisseurs professionnels dont l’hôtellerie est le secteur de prédilection, dotés de bonnes équipes et d’un bon écosystème en termes d’accompagnement, de financement, de construction… peuvent investir dans de bonnes conditions. Malgré la crise, les fondamentaux restent très positifs dans les marchés africains. Pour illustrer cela, les chiffres montrent que par rapport à 2019, l’Europe et l’Asie sont à -40% en termes de performance du secteur de l’hôtellerie, les États-Unis sont à -20% et l’Afrique se situe entre les deux autour de -30%. Mais ce qui est intéressant c’est qu’il y a des variations très fortes sur le continent africain. Un pays comme le Nigéria est actuellement au niveau de 2019, soit son niveau d’avant-crise. Et cette tendance s’observe également ailleurs. Et en ce qui concerne Kasada à titre d’exemple, nous avons des hôtels en Afrique francophone qui ont eu des taux d’occupation de 50 à 60% en moyenne sur l’année 2021 soit des mois avec 90% de taux d’occupation. On observe bien qu’entre deux vagues de variants, les niveaux d’activité peuvent être très bons. Les investisseurs professionnels savent reconnaître ce genre d’opportunités.

Le tourisme intra-africain est présenté ces deux dernières années comme une alternative pour permettre au secteur de se développer en dépit des chocs mondiaux. Quel rôle peut-il jouer dans la relance de l’hôtellerie ?

O.G. : Le tourisme et l’hôtellerie ont toujours été liés et ils le sont encore plus maintenant. Sur les 30 à 40 dernières années, il y avait une segmentation très précise des voyages d’affaires et des voyages de loisirs. La réalité aujourd’hui est que lors de leurs déplacements, les professionnels cherchent également comment combiner une expérience de loisir. De même, le télétravail s’invite lors d’un voyage avec la famille ou les amis, etc. Lorsque j’évoque la relative bonne résilience des marchés africains, cela est principalement porté par le tourisme intra-africain.

La mise en place de la zone de libre-échange continentale africaine suscite beaucoup de discussions, mais je crois que le tourisme est vraiment un des leviers de démonstration des bienfaits de cette plateforme régionale. Si comme prévu à long terme, les questions des visas, de transport aérien… sont finalement résolues, le potentiel qui se dégage pour le tourisme est énorme. Et une organisation commune sur le continent pour favoriser le développement du tourisme intra-africain n’est que bénéfique pour le secteur hôtelier, l’économie et les emplois en Afrique.

Etes-vous optimistes pour ce secteur en 2022 ? (…) Lire la suite sur La Tribune Afrique

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