Sous le doux soleil matinal, Dave et Katia, un couple de quadras new-yorkais, savourent leur café au bord de la piscine du Christopher, un hôtel charmant où ils s’offrent, chaque hiver, une semaine de farniente. Cet entrepreneur de la tech et son épouse, une juriste, sont des fans de Saint-Barth. Ils sont arrivés la veille au soir. Etrangement, ce matin, ils portent des T-shirts au logo de l’hôtel. Le directeur les leur a prêtés, ainsi qu’une trousse de toilette de dépannage, car leurs valises ont du retard. Lorsqu’ils ont embarqué à Saint-Martin, la grande île voisine, pour rejoindre leur destination finale, l’avion était trop chargé pour embarquer tous les bagages. Les leurs arriveront dans la journée. Cela arrive parfois ici, où seuls les petits appareils, une vingtaine de passagers maximum, peuvent atterrir sur la piste de 650 mètres de l’aéroport de poche situé sur la baie de Saint-Jean. Pourtant, nos deux vacanciers américains n’en sont pas fâchés. Ici, on se fâche peu. L’île la plus glamour des Caraïbes invite à la détente et à la bienveillance, même de la part des millionnaires – et milliardaires – parfois coléreux le reste de l’année.
Cet hiver, ces afficionados ont repris leurs habitudes. Les hôtels affichent complet. Les habitants semblent avoir retrouvé leur vie d’avant. Qui pourrait se douter que la perle française des petites Antilles a traversé ces dernières années deux terribles tempêtes, celle du cyclone Irma, en 2017, et celle du coronavirus trois ans plus tard ? A Saint-Barthélémy, comme l’aurait dit Monsieur de La Palice, c’est en effet la météo qui fait la pluie et le beau temps. Elle fait sa force, avec huit heures d’ensoleillement par jour, toute l’année. Mais aussi sa faiblesse, avec un niveau d’exposition majeur au risque de cyclone. En septembre 2017, c’est donc Irma qui s’est abattu sur le paradis miniature de 24 kilomètres mètres carrés. « Les hôtels, presque tous en bord de mer, ont été détruits. Et plus de 150 familles ont perdu leur toit », se souvient Nils Dufau, président du Comité du tourisme.
« En 1995, trois mois après ma première élection à la tête de l’Île, j’avais déjà dû faire face à Luis, qui s’est abattu sur nous pendant 36 heures, se souvient Bruno Magras, président de la Collectivité pendant 27 ans, et qui a annoncé en février, quelques semaines avant les élections territoriales du 20 mars, se retirer de la vie politique. Il y avait de très gros dégâts mais nous avions remonté la pente très rapidement. En 2017 aussi, on a reconstruit très vite. J’ai pris des mesures pour éviter les formalités administratives, pour faciliter le recours à des entreprises sans perdre de temps avec les appels d’offres. On a mis le paquet pour remettre en état les bâtiments publics et on en a profité pour construire un parking pour les véhicules de sécurité. » Bien assurés, « les Saint-Barth », comme s’appellent eux-mêmes les locaux, ainsi que les entreprises de l’île, ont été bien indemnisés (700 millions d’euros remboursés sur 800 millions de dégâts). « La résilience, c’est depuis un siècle et demi le tempérament îlien !, poursuit Bruno Magras. Depuis cette époque, l’administration française est absente, alors les gens ont appris à s’organiser. » Thierry Gréaux, le directeur général de la chambre économique, le confirme : « Oui, le Saint-Barth est très résilient, il se retrousse les manches sans attendre les aides, parfois sans être rémunéré. Il y a chez nous un esprit de solidarité. »
A peine le choc de l’ouragan de 2017 digéré, Saint-Barthélémy se prend en pleine face celui du virus. « Un coup beaucoup plus violent qu’Irma, économiquement parlant », estime Bruno Magras. Du jour au lendemain, en effet, plus aucun vacancier. Sans autre activité que le tourisme et l’immobilier, l’île vit au rythme de ses deux longues grosses saisons qui s’étendent sur presque toute l’année, de novembre à avril, puis de juillet à septembre. Logiquement, à cause du Covid, 2020 et 2021 furent des années de crise pour les entreprises locales. Ces années noires semblent oubliées depuis novembre dernier. Les avions et les hôtels sont à nouveau complets, la joie de vivre est de retour. Même si la pandémie n’a pas dit son dernier mot, le faible nombre de décès (4 seulement en tout !) et le taux élevé de vaccination (malgré les réticences d’une partie de la population, très catholique, à l’obligation vaccinale) ont rassuré les voyageurs.
Si Saint-Barth est résiliente, c’est aussi parce qu’elle est fascinante. Elle ne se compare à aucune autre destination, pas même aux autres paradis de la Caraïbe, les Bahamas, La Barbade, la Guadeloupe… Il ne vient pas à l’esprit de ses amoureux de s’interroger sur son rapport qualité-prix ! « C’est une marque, synonyme d’excellence, de propreté et de sécurité, résume Thierry Gréaux, de la chambre économique. Pour les Américains en particulier, elle incarne l’art de vivre français à quatre heures de New York ou de Miami. » De fait, ses atouts sont uniques. A commencer par la beauté de ses nombreuses plages, sauvages, jamais bondées, où même les stars peuvent se promener et se baigner sans être importunées. Majoritaires sur ce caillou caribéen, les clients très fortunés sont paisibles. Ils n’attirent pas les regards envieux.
« Malgré l’énorme pression urbanistique, vu le prix du mètre carré, nous garantissons la qualité de vie des habitants et des touristes en préservant 60% de la superficie de l’île de toute construction, précise Micheline Jacques, sénatrice, mais aussi présidente de la commission environnement au sein de la Collectivité. Nous protégeons la réserve naturelle marine, et nous améliorons tout ce qui peut l’être, par exemple la gestion des déchets et les énergies renouvelables. » Difficile d’accès, grâce à son petit aéroport inadapté aux longs courriers, Saint-Barth se mérite. Et puis, elle ne compte que 30 hôtels (dont 9 cinq étoiles), soit à peine 550 chambres, auxquelles il faut ajouter 800 villas à louer, soit 2500 chambres supplémentaires. Un chiffre modeste, comparé à la réputation mondiale de la destination ! (…) Lire la suite sur Les Echos