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Candice Jabouille La Salle, radioscopie de l’hôtellerie franco-suisse | Avec l’avènement de « l’Asset Management », le triomphe du couple « leadercheap/ leadersheep » !

Le moins que l'on puisse dire est que Candice Jabouille La Salle, qui vient de publier aux éditions Vérone "Hôtels 5*, après la crise retour au bon sens !", n'y va pas avec le dos de la cuillère ! Cet ouvrage soulève sans langue de bois les problématiques d’un secteur en souffrance – vu de Suisse, berceau de l’hôtellerie et de l’enseignement hôtelier – à travers 43 fiches, thèmes et mots-clés. Ainsi, par sa grande sincérité et expertise, ce livre est une formidable radioscopie du secteur. Saluons également les propositions avancées par l'auteure. À chacun désormais de s'approprier ou non les conclusions de Candice Jabouille La Salle et de se forger sa propre opinion.

Candice Jabouille La Salle @ credit linkedin
Candice Jabouille La Salle @ credit linkedin

« On ne voit souvent que l’image glamour des hôtels 5* dans la presse (…). Ce livre s’adresse à un large public et il aborde des thèmes dont personne n’ose pose parler quand il s’agit d’hôtels de luxe : course au profit au coût humain dévastateur, généralisation de l’asset management, modèles de management en rupture avec les attentes de la nouvelle génération, opacité, etc. » Candice Jabouille La Salle


 

Dans son manuel de management « Hôtels 5*:  après la crise, retour au bon sens ! » (Éditions Vérone), Candice Jabouille La Salle (EHL 1994 • MBA de l’ESG 2007) nous livre une radioscopie de l’hôtellerie suisse et française… vue de Suisse !

Experte de l’industrie hôtelière, installée au pays de Calvin depuis  près de 15 ans ( après des débuts parisiens au Four Seasons Paris), passée par l’Hôtel Président Wilson Genève, le Grand Hotel Kempinski Genève, The Alpina Gstaad, le Métropole Genève & Restaurant-Hôtel du Parc des Eaux-Vives, son ouvrage est un exercice analytique ambitieux mais éclairé.

Ainsi, au coeur de la « machine hôtelière » de ces vingt dernières années, Candice Jabouille La Salle évoque, sans concession, la lente « fonte » managériale accélérée par la financiarisation de notre secteur.

Ainsi, la perte d’influence des « ressources humaines stratégiques », l’épuisement des collaborateurs, le déclassement du leadership et le triomphe du modèle « Asset management » parlent à beaucoup. Le débat est lancé.

La Suisse, une hôtellerie figée dans le temps !

 

Si la Suisse est le berceau de l’hôtellerie de luxe et des écoles de management hôtelier (on pense à l’EHL fondée en 1893 !), elle n’est pas, il faut l’avouer,  terre d’innovation en matière hôtelière. La Tribune de l’hôtellerie. LTH

 

La faute à qui ou à quoi ? Pour innover, l’investissement est nécessaire : la structure capitalistique de l’hôtellerie est telle que l’actif hôtelier suisse est plus perçu comme un investissement « en bon père de famille » au même titre qu’un lingot d’or que comme une startup génératrice de revenus conséquents. Entre des salaires genevois 3 fois supérieurs aux salaires parisiens et des prix de vente chambres beaucoup plus faibles, quid de la profitabilité une fois l’actif entretenu ?

Nous avons fait le choix de citer quelques extraits de cet ouvrage incisif, pertinent qui a l’ambition, non seulement de poser un diagnostic (parfois comparé) des hôtelleries suisse et française, mais également de proposer des solutions. En nous appuyant sur des extraits choisis, nous allons appréhender l’ouvrage sous deux angles qui nous semblent essentiels: Ressources Humaines et Management.

Ressources Humaines : entre lassitude, épuisement et invisibilité !

« L’environnement au sein duquel les employés évoluent à complètement changé au cours des vingt dernières années : injonctions financières souvent irréalistes et exigences de rentabilité à court terme avec la tension et l’excès de stress permanents qui en découlent, restructurations qui entraînent des suppressions de postes et des surcharges de travail pour ceux qui restent, gestion permanente de la pénurie, (…), réunions qui se succèdent, (…) les heures supp’ s’accumulent et ne sont pas compensées par du temps libre par manque d’effectifs, le travail déborde sur la vie personnel, l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle est rompu, l’employé est saturé et épuisé physiquement et mentalement ». (page 144).

« Alors que le rôle des RH est pourtant fondamental (…), la fonction RH se limite souvent à gérer les procédures administratives, les entrées et les sorties. (…) Conséquences de cette gestion appauvrie : des coûts cachés énormes et des DRH qui ne sont plus considérés par les employés comme des interlocuteurs de confiance » (P.39 )

« Les codes de ‘grooming’ dans l’hôtellerie de luxe sont souvent désuets et plus guère adaptés à l’époque actuelle (…). Les employés des départements opérationnels héritent d’uniformes tristes, mal coupés, mal ajustés à la morphologie et conçus dans un mauvais tissu. Ils se sentent mal à l’aise et cela se ressent dans leur attitude » (page 72)

« On considère ceux qui posent une journée d’arrêt maladie comme pas fiable (…) sans jamais se poser la question de la raison de leur arrêt. » (page 83)

 

Management : Le triomphe du modèle « Asset Management », entre leadercheap et  leadersheep !

L’auteure évoque de nombreux maux qui touchent les organisations à l’heure actuelle. Un florilège pertinent et observé par la plupart d’entre nous. Une conséquence de la « financiarisation » de notre secteur.

(…) un propriétaire confie la gestion de l’hôtel à une société (…) dont les membres sont basés à l’étranger. (…) La direction générale de l’hôtel est confiée à une personne par l’intermédiaire de la société de ‘consulting’ dans le domaine hôtelier’. Puis le propriétaire s’octroie les services d’un asset manager de EHL Advisory Services qui fait office d’intermédiaire entre le propriétaire et l’exploitant (…). Nous avons donc trois sociétés de management/conseil hôtel engagées par le propriétaire pour faire le même travail : rendre des services et apporter des conseils dans le domaine hôtelier. L’hôtel est par ailleurs affilié à une chaîne internationale réputée qui lui permet de bénéficier (…) d’experts reconnus. Quelques années plus tard, le propriétaire (…) crée une entité juridique indépendante pour lui confier l’exploitation de l’hôtel(…) (pages 68 et 69).

Le « leadership » y est souvent individualiste et basé sur l’ego et les certitudes des membres de la direction. Les jeux de pouvoir et la politique priment ainsi que le manque de clarté. (…) Les valeurs affichées ne correspondent pas aux valeurs incarnées. On dirige dans le stress, la pression, la peur, on surveille, on veut garder le contrôle sur tout, on divise pour mieux régner, (…), » (page 83)

« Faire preuve d’exemplarité envers ses collaborateurs : ne pas attendre qu’ils vous montrent plus d’égards que ceux que vous êtes prêts à leur témoigner, les saluer de façon authentique et sincère (…),…. Faire preuve d’élégance dans la façon de se séparer de ses collaborateurs (…) » (pages 56 et 57)

  • Un Comex en perte d’influence

« Le rôle même du Comex au sein des hôtels interroge. Il semble s’affaiblir au fur et à mesure que celui des gestionnaires prend de l’ampleur ». (page 80)

  • Directeur d’hôtel efficace ou « Goodwill Ambassador » égotique ?

« Peut-on diriger un hôtel en consacrant la majeure partie de son temps à gérer son image médiatique ?(…) »  (page 89)

« La gestion de son image lui demande un temps qu’il ne consare plus à la gestion de l’hôtel. Ce qui compte c’est d’être interviewé, d’avoir sa photo dans le journal, d’être nommé à la tête d’une association d’hôteliers influente où on se fait appeler ‘Monsieur le Président’. Et le Graal : décrocher l’Award du « Directeur Général de l’année (….) »(page 89)

« Le dirigeant tour d’ivoire est celui qui se laisse griser par la gloire, le pouvoir …. et qui se déconnecte en s’entourant de flagorneurs (….) » (page 89)

« Car dans les hôtels ou l’ego domine, la politique n’est jamais loin. L’hôtel devient alors un lieu « politique » où le statut, les jeux de pouvoir, (…) sont à l’honneur. » (page 90)

  • Le triomphe des Yes Men

« Les « Yes men’ sont souvent très compétents techniquement parlant, fidèles et stables. Iles -les décisionnaires-  privilégient les personnes qui ne les challengerons pas (…) et qui les conforteront dans leurs certitudes (…) » (page 106)

« Faut-il privilégier le jeu de rôle et la langue de bois à l’authenticité et à la force de proposition ? » (page 106)

« On croit que des employés dociles et obéissants sont plus performants » (page 83)

« Hôtels 5*, Après la crise, Retour au bon sens ! » par Candice Jabouille La Salle, Vérone Éditions – 19,50 euros prix conseillé