« Allez, courez ! » lancent les têtes de file au reste du groupe, en zigzaguant entre les voitures garées devant l’hôtel Campanile du Bourget, aux pieds de l’aéroport. Certains déplient des drapeaux, d’autres enfilent leurs chasuble siglés CGT-HPE (Hôtels de prestige et économiques). En tout, une trentaine de femmes de chambre, serveurs, hôtesses de petits-déjeuners, franchissent l’entrée de l’hôtel, en scandant « Augmentez les salaires ! » devant les mines surprises des agents d’accueil. Les chants s’enchaînent, avec quelques pas de danse. Les sifflets et les bruits de casserole retentissent partout. Très vite, des confettis recouvrent le sol, les fauteuils, les tables où trône le buffet du midi tout juste servi.
Depuis le 26 mai, des salariés du groupe Louvre Hotels sont en grève reconductible. Quatre hôtels sont concernés. D’abord, le Campanile de Gennevilliers : 90 % des effectifs y sont en grève, selon la CGT-HPE. Ensuite, les Campanile et Première Classe du Pont de Suresnes, où l’on tourne plutôt autour des 60 % de grévistes, toujours selon le syndicat. Enfin, la Villa Massalia, à Marseille, avec la même proportion. « Tous sont des gros porteurs, pas des petits hôtels » indique Tiziri Kandi, responsable du syndicat CGT-HPE qui accompagne les grévistes. Plusieurs de ces hôtels ont « une tradition de lutte », précise-t-elle également. Dans chacun d’eux en effet, des mobilisations successives ont mis fin à la sous-traitance.
L’une des principales revendications des grévistes aujourd’hui est l’augmentation de 300 euros par mois des salaires. Myriam* est hôtesse de petit-déjeuner. Tous les matins, elle assure son service à l’hôtel de Suresnes. Pour 20 heures de travail hebdomadaires, elle gagne 1100 euros net par mois. « Et encore, ça compte le remboursement des tickets de transport », précise-t-elle. 300 euros d’augmentation, « ce n’est même pas beaucoup », soupire-t-elle.
Pas de négociation ouverte
Pour le moment, aucune négociation n’a été ouverte avec le groupe Louvre Hotels. « Nous sommes toujours en attente de la réponse des responsables. On travaille dur pour un salaire qui ne suffit pas. On demande 300 euros… Et 300 euros, c’est rien », abonde Salia*, également salariée à Suresnes. Elle gagne plutôt entre 700 et 800 euros par mois, pour une petite vingtaine d’heures de travail hebdomadaires.
Les grévistes demandent aussi la mise en place de la subrogation dès le premier jour d’arrêt de travail. C’est-à-dire la suppression du délai de carence avant de toucher les indemnités journalières dues par l’Assurance Maladie. Ou encore, la généralisation de la prime de nuit dans tous les hôtels. Et ce, à hauteur de 25 euros par nuit travaillée.
Contactée, le groupe Louvre Hotels n’a pas, pour l’heure, donné suite à nos demandes d’entretiens. Dans le hall de l’hôtel du Bourget en revanche, une discussion s’engage entre les représentants syndicaux et les gérants de l’établissement. Ces derniers demandent à ce que la manifestation se fasse dehors. L’un menace, sur un ton calme, de faire appel à un huissier pour engager des constats et d’éventuelles poursuites. « On ne quittera pas les lieux », répète Tiziri Kandi. « Les salariés n’ont rien cassé. Ils n’ont agressé personne. Ils exercent simplement leur droit de manifester et leur droit de grève ». « On est chez nous ! » lance Véronique*, enfoncée dans un fauteuil orange, en brandissant son drapeau syndical.
28 ans de travail, sans prime d’ancienneté
Véronique est l’une des doyennes des grévistes. Cela fait 28 ans qu’elle travaille au même hôtel, à Gennevilliers. De toute sa carrière, c’est sa première grève. « Avant, je ne voulais pas faire grève. Maintenant, je me dis : il faut que je le fasse, ce n’est pas normal. On a rien. On a besoin de nos droits. » En 28 ans, Véronique n’a jamais touché de prime d’ancienneté. La convention collective des hôtels, cafés et restaurants n’en prévoit pas. C’est aujourd’hui l’une des principales revendications des grévistes vis-à-vis du groupe Louvre Hotels. (…) Lire la suite sur Rapports de Force