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Moins de 100 francs pour deux personnes dans un quatre-étoiles, à Genève. Tel est le tarif que vous vous verrez proposer si vous cherchez une chambre d’hôtel dans la Cité de Calvin.

Un niveau de prix probablement inédit dans cette ville, qui plus est à une époque où, normalement, les visiteurs se pressent pour assister aux congrès et autres événements de fin d’année.

Mais voilà. Plus violente que celle de ce printemps, la deuxième vague est passée par là, ruinant tout espoir d’une reprise du tourisme urbain. Selon les derniers chiffres de l’Office fédéral de la statistique, communiqués lundi, la fréquentation a chuté de 78,1% à Genève durant la saison d’été – de mai à octobre – par rapport à l’année dernière. Zurich ne fait guère mieux avec une baisse des nuitées de 73,3%.

Nous sommes tous en mode survie

Gilles Rangon, président de la Société des cafetiers, restaurateurs et hôteliers de Genève

Résignés, la plupart des hôtels se sont donc mis à brader leurs chambres, à l’exception des palaces qui, eux, semblent résister. Le phénomène n’est d’ailleurs de loin pas que genevois: 66% des établissements urbains du pays ont l’intention de baisser leurs prix ces prochaines semaines, selon le dernier sondage d’Hotellerie suisse publié le 1er décembre.

«Il ne s’agit pas d’une guerre des prix, précise Gilles Rangon qui vient de reprendre la tête de la Société des hôteliers de Genève. Cela indique simplement que nous sommes tous en mode survie. La fermeture des restaurants a privé beaucoup d’établissements d’une des maigres rentrées financières qu’il restait et il faut bien générer de la trésorerie.»

Un jeu dangereux?

La tendance préoccupe toutefois beaucoup Marie Forestier, membre du comité directeur d’Hotellerie suisse: «Personne n’en sort gagnant, car tout le monde s’aligne et ces prix ne permettent pas à l’hôtel d’être pérenne. Les gens qui voyagent actuellement le font par nécessité, pas par plaisir, ils auraient de toute manière payé plus. Et après, il est très difficile de ressortir ce mécanisme. Comment allez-vous expliquer à un client qui a payé 120 francs cette année, qu’il devra payer deux ou trois fois plus dans deux ans?»

Face à la ténacité de la pandémie, les baisses de prix semblent toutefois représenter une bouée de sauvetage pour les hôtels qui fonctionnent encore. Sur les 122 établissements recensés dans la ville du bout du lac, 96 accueillent actuellement des clients, selon Genève Tourisme. Parmi les derniers à avoir renoncé: l’Atrium Park, situé près de l’aéroport. D’après Hotel Revue, la fermeture du quatre-étoiles inauguré en février a entraîné une trentaine de licenciements.

A l’instar de celui du Richemond dont la fermeture avait fait couler beaucoup d’encre cet été, l’arrêt des activités se veut provisoire. De l’autre côté du lac, à Montreux, quatre des cinq palaces de la ville ont fait de même, tout comme le Royal Savoy, à Lausanne.

De nombreuses fermetures provisoires

«De nombreux établissements ont fermé parce que rester ouvert coûte beaucoup plus cher lorsqu’il faut maintenir un service de qualité pour un nombre de clients extrêmement réduit», relève Alain Becker, directeur de l’Association des hôteliers romands. «Chaque hôtel fait son calcul, complète Marie Forestier: Est-ce que j’arrive à couvrir mes coûts variables? Si c’est le cas, je laisse ouvert parce que je perds un peu moins d’argent. Sinon, je ferme.»

L’Hôtel Aulac à Ouchy a également opté pour la deuxième option. Un «Au Revoir» orne sa page d’accueil, juste en dessous du message suivant: «Notre établissement est contraint de cesser ses activités dès le lundi 19 octobre 2020, en conséquence de la crise sanitaire et des pertes financières qui en ont découlé.»

«A l’heure actuelle, il y a deux sortes d’hôteliers: ceux qui sont désespérés et ceux qui restent positifs, résume Estelle Mayer, présidente de la Société des hôteliers Montreux-Vevey. Je fais partie de la seconde catégorie, mais je ne vous cache pas que la situation est dramatique et il faut que l’aide arrive.»

Même si le degré d’urgence dépend beaucoup de la nature du propriétaire, beaucoup d’établissements sont actuellement pris à la gorge. «Les établissements situés en ville devraient, pour beaucoup, bénéficier de l’aide promise aux cas de rigueur dont une partie à fonds perdu», indique Alain Becker avant de préciser que la réactivation des crédits-relais est indispensable, car beaucoup d’hôtels connaissent des problèmes de trésorerie.

A Genève comme à Lausanne, les hôteliers sondés ont affiché en novembre des taux d’occupation proches des 10%. Pour beaucoup, il faut au minimum dépasser les 50% pour être à l’équilibre.

La menace des rachats

Estelle Mayer a, par exemple, décidé de ne maintenir ouvert qu’un seul des trois établissements qu’elle exploite sur la Riviera lémanique. Elle a mis au chômage partiel 39 de ses 40 employés et assure elle-même l’intendance lorsque la personne qui l’épaule est en congé.

Certains ont l’impression qu’ils vont pouvoir acheter au rabais

Estelle Mayer, Présidente de la Société des hôteliers Montreux-Vevey

D’autres se sont séparés de leur personnel. Selon ses estimations, 100 à 150 personnes ont été remerciées ces dernières semaines dans sa région. Unia Genève observe également une accélération des suppressions d’emplois, souvent en écho à une période de réduction de l’horaire de travail (RHT).

Chaque jour, l’hôtelière dit recevoir plusieurs offres d’achat, beaucoup d’entre elles étant complètement fantaisistes. «Certains ont l’impression qu’ils vont pouvoir acheter au rabais.»

Avec le prolongement de la crise, le risque de voir certains propriétaires se résoudre à la vente est toutefois réel. A Bâle, une société vient de voir le jour pour éviter que des hôtels emblématiques du pays ne tombent dans les mains de spéculateurs peu scrupuleux.

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