Treize fenêtres pour Bulgari, deux pour Cartier : place Vendôme, le joaillier italien bat le leader du secteur à plates coutures. Deux ans de travaux ont précédé l’ouverture de ce flagship-store de 1 000 m², le plus vaste de la marque. Les connaisseurs s’y sentiront come a casa : depuis les cabochons de cristal qui sertissent la porte d’entrée jusqu’aux colonnes en marbre de Carrare, le décor rappelle celui de la maison mère, à Rome.
Guidé par Peter Marino, l’architecte fétiche de LVMH, un aréopage d’artisans d’art a mis cet écrin sur les fonts baptismaux. Dès l’entrée, tapis et mosaïques fines voleraient presque la vedette aux vitrines où paradent trophées de pierres précieuses, montres et sacs. (…)
Bulgari, essor et diversification
Comme toutes les belles histoires, celle de Bulgari se confond avec celle d’un héros fondateur. Sotirios Voulgaris, orfèvre grec, quitte son Épire natale à la fin du XIXe siècle, transite par Corfou et Naples avant de s’installer à Rome, où il ouvre plusieurs boutiques d’antiquités et d’orfèvrerie. En 1905, il inaugure l’actuel magasin amiral au 10, via Condotti, où afflue une clientèle venue des États-Unis ou de Grande-Bretagne.
Ses deux fils, Costantino et Giorgio, propulseront l’entreprise familiale sur la scène internationale. Dans la Rome de l’après-guerre, profitant de la création des studios de Cinecittà, la boutique voit défiler le gotha d’Hollywood. Elizabeth Taylor immortalise le bracelet Serpenti, lançant la carrière de ce motif à tête de serpent inspiré de l’Antiquité qui demeure iconique. (…)
L’an 2000 constitue un autre tournant : Bulgari se lance, en Suisse, dans la fabrication de montres, et s’associe l’année suivante au groupe Marriott pour inaugurer à Milan une collection d’hôtels de luxe. Les affaires, prospères, étaient gérées en famille, dirigées depuis 1984 par l’arrière-petit-fils de Sotirios Voulgaris, Francesco Trapani. Croissance oblige, celui- ci passe les rênes en 2011 à LVMH, à présent propriétaire à 98 % de la marque. (…)
La crise du Covid a-t-elle freiné cette course vers le succès ?
Même si le temps des investissements semble au beau fixe place Vendôme, la vente de beaux bijoux a subi le contrecoup des confinements et l’arrêt des déplacements internationaux. (…)
La même discrétion règne au sujet de l’activité hôtelière : pendant la crise sanitaire, les hôtels du groupe ont été fermés quelques mois, dans le but avoué de conserver un personnel précieux et long à former.
Le premier à rouvrir a été Milan, en juin 2020. Comptant pour 10 à 15 % des revenus du groupe, les hôtels sont le fruit d’un partenariat réussi avec Marriott. S’appuyant sur l’expertise du leader mondial de l’hôtellerie, les hôtels Bulgari se sont imposés comme une collection d’hôtels de luxe pour esthètes et voyageurs fortunés – un sillage qu’avaient déjà emprunté avec succès certains couturiers italiens, comme Missoni, Armani et Ferragamo.
Mais ce petit business est avant tout un formidable vecteur commercial. Sept hôtels (ils seront douze en 2025) proposent aux membres de la tribu Bulgari une expérience globale, de la chambre aux emplettes. Sont visés un club ultrasélect de membres fortunés, de la finance ou de la mode, épris de beau, d’un certain classicisme et capables de dépenser sans sourciller 1 700 euros par nuit (prix de départ de la chambre la moins chère à Paris). (…)