« Une vie de fou », résume Mathieu*, cuisinier pendant six ans dans un restaurant d’une grande station balnéaire du sud de la France. Des contrats de sept mois, « de l’avant-saison au dernier coup de balai en octobre », sept jours sur sept de juin à août, « avec 80 heures de travail certaines semaines, évidemment au “black”, mais ça doublait le salaire », décrit-il.
Le Covid aura été pour lui un révélateur. « J’arrivais sur mes 30 ans, j’avais rencontré quelqu’un. » Son rythme de travail se révèle incompatible avec une vie de couple. Il pense ouvrir son propre restaurant, « pour avoir plus de liberté », mais la crise sanitaire a mis un terme à ses projets.
Arrêtant la cuisine, il est donc devenu responsable technique dans une résidence de vacances. Un travail lui aussi saisonnier. « Cinq jours par semaine, et je rentre chez moi tous les soirs. Même si c’est moins bien payé, j’ai redécouvert la vie et je suis heureux », affirme-t-il. (…)
Le propriétaire de plusieurs restaurants parisiens décrit les efforts qu’il doit faire pour s’adapter aux exigences horaires des candidats à un poste. « Certains m’expliquent qu’ils ne veulent travailler qu’en journée ou qu’ils refusent la coupure entre les services, dit-il. Vu la rareté des candidatures, je suis obligé de m’adapter et de jongler entre les horaires, quitte à ne proposer qu’un contrat à temps partiel. »
« À l’usine, j’ai découvert les RTT »
« Le Covid a pu permettre à certains de s’interroger sur la place du travail dans leur vie mais je n’ai pas encore vu d’étude sur le sujet », reconnaît Jean-Yves Boulin, professeur à Paris-Dauphine. Ce spécialiste du temps de travail note de son côté une « banalisation » des horaires atypiques, notamment depuis les lois facilitant le travail du dimanche et de nuit. « Le dimanche, notamment, est le moment de synchronisation familiale et de sociabilité : même s’il y a des jours de compensation, c’est en semaine, et on ne rattrape pas le temps perdu avec la famille ou les amis », met en garde le sociologue. (…)
Cette pénurie de main-d’œuvre est loin de ne concerner que la restauration. (…)
Même chose dans les aéroports en manque d’agents de sécurité ou de personnels d’escale pour travailler le week-end ou en horaires décalés, ou pour les piscines voulant ouvrir plus tard le soir. (…) Article complet sur La Croix (réservé abonnés)