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ENQUETE. Hédiard-Fauchon : les deux marques emblématiques de l’épicerie fine entre déconfiture et rebond

Victime de cinq ­rachats successifs en vingt ans, Hédiard a succombé aux errements de ses repreneurs. Alors que son concurrent de toujours, Fauchon, a su se réinventer en dépit des crises.

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Hédiard : un fiasco caché au goût amer

La doyenne de la place de la ­Madeleine créée en 1854 qui ravissait les Parisiens avec ses étals de fruits exotiques venus du bout du monde n’est plus. Hédiard a disparu des radars le 16 ­septembre 2020 en cessant toute activité. La bâche à son effigie, qui recouvrait son magasin amiral fermé pour rénovation en mai 2015, a été démontée le mois dernier, après la fin de son bail le 30 septembre. Le JDD a enquêté et retrouvé ses derniers salariés congédiés mi-octobre 2020. Tous sont aux prud’hommes. L’histoire cachée de la célèbre enseigne depuis 2017 est celle d’un incroyable fiasco.

Lorsqu’il rachète l’entreprise en juin 2014 à la barre du tribunal de commerce, le groupe autrichien Do & Co, contrôlé par Attila ­Dogudan, suscite beaucoup d’espoirs. Pour les 134 salariés qui s’activent alors entre son magasin historique, l’entrepôt de Colombes, le centre de production de Générac (Gard) et quelques boutiques, l’arrivée de ce spécialiste du catering aérien et de l’événementiel sportif coté à Vienne représente une chance inouïe. Le repreneur s’est engagé à rénover la boutique de la place de la ­Madeleine et à relancer la marque. Grâce à Hédiard, il a ­décroché le contrat de restauration de l’Euro de foot 2016. Do & Co a aussi acheté un entrepôt de 10.000 mètres carrés à Argenteuil (Val-d’Oise) pour y créer une cuisine centrale, et son chiffre d’affaires – 916 millions d’euros fin mars 2016 – atteste sa solidité financière.

Attila Dogudan @credit Do & Co

En mai 2017, c’est la douche froide. Do & Co supprime 42 postes sur les 65 restants. Dans une rare interview au Figaro en juillet 2017, Attila ­Dogudan jure, toutefois, qu’il n’abandonne pas Hédiard. Le « plus dur est passé », dit-il, tout en pestant contre les « rigidités sociales » françaises. A Paris, sa stratégie apparaît de plus en plus erratique. (…)

Relégués dans l’entrepôt d’Argenteuil, les 12 salariés restés en poste travaillent, eux, en mode commando. (…). Mais les 3 à 4 millions d’euros de ventes qu’ils génèrent sont absorbés par le loyer de l’immeuble de la Madeleine – plus de 2 millions d’euros par an –, celui de l’entrepôt d’Argenteuil, les salaires et les coûts fixes. Privée de tout investissement, l’ancienne pépite de la gastronomie française a beau produire des revenus, ses pertes augmentent : – 759.000 euros en 2019, – 2.418.000 euros en 2020. Insupportable pour Do & Co, qui affiche pourtant dans ses comptes consolidés une trésorerie de 200 ­millions d’euros en 2020. Depuis 2017, le groupe de Vienne n’a jamais plus communiqué sur sa filiale française. (…)

En audience devant le tribunal des prud’hommes d’Argenteuil le 18 ­novembre, l’avocate des salariés, Justine Brault, a contesté le fondement économique de leur licenciement. (…) Attila Dogudan, qui disait en 2017 vouloir « repartir de zéro » pour relancer Hédiard s’est limité à renouveler sa protection jusqu’en 2028 auprès de l’Inpi. Le signe qu’il n’a pas renoncé à exploiter ou à vendre la marque.

Fauchon : une relance toujours gourmande

Samy Vischel, Président CEO at FAUCHON Paris @credit linkedin

Entre Fauchon et la place de la ­Madeleine, l’histoire a débuté en 1886. Après la fermeture en ­octobre 2020 de ses magasins historiques situés du côté des numéros pairs, on la croyait terminée. Mais un hôtel cinq étoiles aux couleurs de l’enseigne trône désormais de l’autre côté de la place. « L’épicentre de Fauchon est toujours ici », assure son président, Samy Vischel. « Nous avons troqué 1.500 mètres carrés de services traiteur qui n’étaient plus dans l’air du temps pour 6.000 mètres carrés mêlant une offre d’hébergement, de la restauration avec le Grand Café et une boutique de thés qui ne désemplit pas. » Toujours dans le giron de son beau-père, l’homme d’affaires Michel Ducros (qui avait repris l’entreprise familiale d’épices), la marque refait sa vie dans l’hôtellerie, le commerce et l’enseignement avec bientôt une école à son nom. « Nous sommes une start-up de 135 ans dévolue à l’art de vivre et à la gastronomie française et parés pour nous déployer tous azimuts », pose Samy Vischel.

A croire que la séquence des années­ Gilets jaunes et Covid, sanctionnée par la mise en redressement judiciaire de son activité réceptions, est effacée. Fauchon reprend des couleurs : un chiffre d’affaires global de 100 millions d’euros, un millier de personnes travaillant pour la marque. L’enseigne coiffe un réseau mondialisé de 85 boutiques sous franchise (dont une douzaine en duty free). En France, après Nice, elle vient d’ouvrir un magasin de 70 mètres carrés dans la gare Montparnasse, à Paris. « Nous nous concentrons sur des catégories de produits dont nous maîtrisons la chaîne de valeur : le thé, le chocolat, les macarons et les pâtisseries, du foie gras à la coupe et quelques biscuits salés », décrit Samy Vischel, (…)

L’établissement parisien a été notre sésame

L’hôtellerie lui ouvre aussi de nouveaux horizons. En mars, Fauchon a inauguré à Kyoto un établissement de 64 clés. Un choix qui ne doit rien au hasard : la marque opère depuis plus de cinquante ans au Japon, en passe de devenir son premier marché devant la France, avec une trentaine de boutiques à son actif. Le groupe vient de signer un projet ­hôtelier en Arabie saoudite, à Djedda, et en Chine, à Nankin. « L’établissement parisien a été notre sésame. En restant ouverts pendant la crise sanitaire, nous avons gagné une belle clientèle et développé notre notoriété sur les réseaux sociaux », se réjouit l’entrepreneur, qui espère signer ou inaugurer une dizaine d’hôtels Fauchon d’ici à 2025.

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