Tout augmente, ma bonne dame! Les loyers, l’accès à la propriété, les carburants, le gaz, le mazout, l’électricité, et l’indice des prix à la consommation a grimpé de 1,2% le mois passé par rapport à octobre 2020. Bonne nouvelle, rassure l’Office fédéral de la statistique, le prix des salades et légumes frais a reculé le mois dernier. Ouf. Car sur le front de la bataille des salaires, les carottes sont – presque – cuites.
Jeudi, la Société suisse des entrepreneurs (SSE) refusait net les revendications des syndicats Unia et Syna, descendus dans la rue fin octobre. Le salaire au mérite, au cas par cas, est plus raisonnable qu’une hausse générale, argumentent les patrons du secteur de la construction. «C’est un manque de respect pour les travailleurs qui ont continué leur job pendant la pandémie dans des conditions peu adaptées, s’offusque Vania Alleva, présidente d’Unia. Pour la deuxième année consécutive, le patronat nous oppose une fin de non-recevoir, alors même que les permis de construire se multiplient et que les carnets de commandes sont pleins.»
C’est un fait, l’économie repart au grand galop. Près de deux entreprises sur trois ont retrouvé leur chiffre d’affaires d’avant la crise, et 72% des directeurs financiers consultés par le cabinet Deloitte s’attendent à une augmentation de leur chiffre d’affaires (lire encadré). (…)
Douche de l’inflation
Sauf que l’inflation (0,4%) est passée par là, tempère Florian Germanier, économiste à UBS: (…)
Jusqu’à maintenant, on est loin, très loin des exigences syndicales. «Nous demandons 2% d’augmentation, ou 100 francs par mois, pas seulement dans la construction, mais dans tous les secteurs de l’économie, en pleine reprise, à l’exception de l’hôtellerie et de la restauration, qui ont énormément souffert», déclare Vania Alleva. Quant au second œuvre, les négociations au niveau national et en Suisse alémanique sont encore en cours. «Des hausses de plus de 0,9%, jusqu’à 1,5%, sont espérées, et dans l’industrie les négociations n’ont pas encore commencé.»
Pouvoir d’achat fragilisé
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Métiers mal aimés
Encore s’agirait-il d’une stratégie à court ou moyen terme. Pour de nombreux métiers indispensables mais mal rémunérés, l’urgence réside dans la revalorisation. Toutes professions confondues, le secteur de l’hôtellerie-restauration a perdu 30% d’employés par rapport à 2019. Le secteur des soins est confronté à la même hémorragie, avec 40% de démissions avant l’âge de 35 ans . «Par ailleurs, de nombreux menuisiers, peintres, charpentiers, plombiers, quittent une branche trop épuisante, et dans la construction le nombre d’apprentis a baissé d’environ 40% depuis 2010», souligne Vania Alleva.
Manque de personnel
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Le couteau par le manche
Pour les employés hautement qualifiés, la période est propice, observe Annalisa Job, porte-parole d’Adecco: «Les candidats ont beaucoup plus de pouvoir pour négocier.» Il a suffi à Nicole*, chercheuse dans une PME active dans les énergies renouvelables, de signaler à son patron qu’un concurrent l’avait approchée «pour qu’il m’augmente confortablement».
Plus que jamais, les employés et chercheurs d’emploi tiennent le couteau par le manche. Mais la réponse est variable. Selon le baromètre du marché du travail de ManpowerGroup, 51% des employeurs interrogés à l’échelle mondiale essaient d’attirer les talents par des incitations financières, mais seuls 29% des employeurs suisses choisissent cette solution.
Offres d’emploi inadaptées
«Nous attirons parfois leur attention sur le fait que leurs offres ne correspondent plus aux attentes actuelles», explique Annalisa Job. Soit parce qu’ils ne le peuvent pas, et c’est le cas pour de très nombreux patrons dans la restauration, l’hôtellerie, le tourisme ou la culture. Soit parce qu’ils privilégient d’autres moyens de motivation, comme la formation continue, le développement des compétences ou la flexibilité, tant pour les horaires que pour le lieu de travail. «La flexibilité est très importante chez les jeunes, analyse Larissa Probst, car un grand nombre d’entre eux étudient à temps partiel et travaillent en même temps. Le modèle «étudier d’abord et travailler ensuite» n’est plus très populaire.»