Dédiée depuis les années 70 à un tourisme de masse et réellement novateur (on pense ainsi au segment « thalassothérapie »), l’industrie touristique tunisienne était « loin devant » le Maroc dans les années 80 avec sa perle insulaire, Djerba ou ses stations balnéaires d’Hammamet ou de Sousse.
Ainsi, des entrepreneurs tunisiens novateurs tels que Lotfi Belhassine, créateur du feu Club Aquarius et patron éphémère de la compagnie aérienne « Air Liberté », ont permis que « la petite perle du Maghreb » s’envole au firmament du tourisme méditerranéen à la fin des années 90 !
Malheureusement, depuis la vague d’attentats terroristes et les événements politiques qui ont « plombé » l’économie touristique, les investissements dans les principales stations balnéaires sont quasi inexistants. Certes, des groupes tunisiens ou étrangers comme « Chaabane frères » ou « Boukhater » tentent de penser l’hôtellerie de demain mais l’ampleur de la tâche est immense : près de 25 années de manque d’investissements dans les stations !
Le site « La Presse » évoque non seulement un déficit d’investissement avec le vieillissement constaté des installations hôtelières mais surtout un modèle obsolète « de tourisme de masse » combiné à une politique tarifaire « hors sol » excluant de facto la clientèle locale !
Le témoignage d’une tunisienne appartenant à la classe moyenne et rapporté par « La Presse » est particulièrement éloquent : «Je viens de réserver une semaine dans un trois étoiles à Hammamet pour moi, mon mari et mes deux enfants, un séjour qui m’a coûté plus de 3.000 dinars* et c’est dans un des hôtels les moins chers sur le marché. (…) Avec le même prix, je peux partir passer une semaine en Turquie alors qu’en Tunisie, c’est le prix d’un hôtel pourri avec une télé qui date des années 60 et une infrastructure qui n’a pas été renouvelée depuis 40 ans(…) ». (*) environ 885 euros!
Cette négation des attentes locales est en contradiction totale avec cette nouvelle hôtellerie international inclusive, remettant l’hôtellerie au coeur de la ville, de la région.
Avec ce tourisme tunisien hérité des années 70, le pays est donc toujours à l’heure de ces complexes bunkérisés où le client se contente du « All Inclusive » niant le tissu économique local !
« La Presse » l’affirme, le plus grand défi de l’hôtellerie tunisienne est humain.
Ndlr: Le témoignage d’un ami franco-tunisien « M. A. » directeur d’un établissement 4* en France est particulièrement éloquent « Avec mon épouse, trouver un hôtel acceptant notre chien de 3kgs ne fut pas une sinécure : l’accueil d’un animal de compagnie relève désormais d’une incongruité pour la plupart des hôteliers. Mais le plus grave fut la façon cavalière de traiter notre demande, à la limite de l’acceptabilité ! » Un constat sévère qui illustre la détérioration de ce sens de l’accueil qui faisait la force du tourisme tunisien.
La faillite de nombre d’hôtels tunisiens conjuguée à l’absence de touristes durant plusieurs années ont détourné, de ce secteur, de nombreux professionnels : pourtant, là encore, la Tunisie fut à la pointe en matière d’éducation en Afrique du Nord avec des écoles hôtelières de référence, de Sousse à Tunis en passant par Monastir !
Cependant, en niant la réalité du tourisme national, on condamne l’industrie a être exclusivement saisonnière et par essence, précaire pour les travailleurs. Ainsi, dans les hôtels, la seule et véritable motivation semble être le pourboire : c’est ce dernier qui conditionne bien souvent la qualité du service mais, fort heureusement, ce n’est pas inéluctable !
Dans certains hôtels, l’attachement au Métier, à l’établissement est réel.
Le témoignage d’un responsable d’agence de voyages nous laisse perplexe : «Environ 90% des avis que reçoit l’agence de voyages pendant cette période (ndlr pendant la haute saison) sont négatifs et ce responsable d’ajouter «on ne peut pas s’attendre au luxe parce que lorsque l’hôtel atteint sa capacité maximale, les travailleurs ne pourront pas satisfaire tout le monde et ce, même au sein d’un cinq étoiles. Afin de servir tout le monde, les hôteliers sont dans l’obligation de miser sur la quantité plutôt que la qualité». 🤨🤔
Ces propos édifiants révèlent aussi bien un déficit managérial qu’une inadaptation de l’outil et des moyens humains !
Alors les défis sont nombreux pour le tourisme tunisien avec en priorité la nécessité de relancer le tourisme local qui permettrait non seulement de pérenniser les emplois tout au long de l’année, de profiter plus largement à l’économie locale et, de facto, à assurer un service de meilleure qualité tout en générant plus de revenus pour assurer les investissements nécessaires à la modernisation de l’outil et à l’abandon progressif de cette hôtellerie des années 80/90 ! Un cercle vertueux, quoi !
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