Entre ‘quiet quitting’ (cette fameuse « démission silencieuse » qui ne consiste pas à quitter son emploi, mais à l’exécuter d’une manière strictement minimale), manque de main d’œuvre, démissions « au débotté (ainsi, on constate de plus en plus l’absence du salarié au premier jour de sa prise de fonction alors même que l’uniforme « sur mesure » est déjà confectionné !), la baisse de qualité est, depuis la sortie de la pandémie, un vrai sujet.
Cependant, la plupart des interrogations « RH », très en vue au sortir de la pandémie, paraissent s’estomper même si la question du recrutement semble toujours aiguë pour certains établissements. Alors, adieu « la marque employeur », la bienveillance affichée, le « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil » contenu dans de nombreuses offres d’emploi ?
Le retour de la réalité salariale
Avec l’inflation et les difficultés liées au logement, le futur sera certainement à voir du côté d’un nouveau mode de rémunération (un mélange entre « Loi Godard /pourcentage » et « mensualisation ») avec également l’octroi d’ avantages à apprécier localement (logement, indemnités de déplacement, primes de nuit conséquentes…). Une façon de tenir compte de la réalité économique de l’entreprise, de la réalité locale et de replacer le salarié au cœur de l’entreprise.
La démarche initiée il y a « pile un an » par le Plaza Athénée fait partie de ces innovations sociales, à l’impact limité pour certains, mais « précurseur de tendance ».
Avec les pourboires délivrés dans certains hôtels ou restaurants, pas de pénurie de main d’oeuvre pour les salariés en salle !
Ainsi, si des établissements parisiens peinent à trouver commis, serveurs, chefs de rang et autres professionnels du service en salle, d’autres n’ont aucune peine à en trouver. Et ce n’est pas forcément une question d’étoiles !
Les raisons ? Principalement le pourboire conjugué à un profil de candidats mettant en avant la personnalité desdits candidats au détriment de la formation initiale ou des compétences techniques.
Dans ces établissements « en vue », les salariés semblent bénéficier d’une clientèle aux libéralités sans limites.
À en croire Gabriel S., serveur dans un restaurant parisien « j’ai un net de 1600 euros sur ma fiche de paie mais je fais près de 3000 euros de pourboires dans le mois « .
Ainsi, il n’est pas rare, dans certains restaurants, que le salaire de base (exemple une hôtesse de salle à 2100 euros bruts) soit plus que dopé par des pourboires que d’aucuns jugeraient hors normes : 3 à 4000 euros de « tips » défiscalisés mensuels, voire entre 5000 et 8 000 euros dans quelques établissements !
Rappelons, à ce propos, que la défiscalisation des pourboires est une mesure provisoire (Loi des finances.).Et, élément important, en faisant apparaître les pourboires redistribués mais non fiscalisés ou chargés sur le bulletin de paie, l’accès au logement s’en trouve souvent facilité !
Salle vs Réception ?
Ainsi, si le personnel de salle de ces établissements bénéficie directement du « coup de pouce étatique », d’autant plus qu’il encaisse bien souvent les additions des clients, le personnel de l’hébergement souffre quant à lui de la baisse drastique de ses « tips » (la faute aux pré-paiements et à la digitalisation de plus en plus importante des transactions ?). Que l’on soit Gouvernant.e rémunéré.e 2400 euros bruts, Chef.fe de réception, femme de chambre, valet, réceptionniste, le fossé semble se creuser. Pis encore, au fossé Hébergement/Restauration s’ajoute désormais une incohérence économique entre Manager/Employé (il n’est pas rare de voir des femmes de chambre percevoir des rémunérations « pourboires compris » supérieures aux revenus des gouvernant.es !). Ainsi, de nombreux employés refusent les promotions et postes à responsabilité, anticipant de facto une baisse de leurs revenus !
Marqueur important de cette nouvelle réalité, même les bagagistes ont vu leurs revenus diminuer.
Valise à roulettes, la fin des pépètes !
Interrogé sur la problématique « pourboires », Philippe Damien, Chef concierge clefs d’or ayant travaillé, de Paris à Cannes pour plusieurs établissements de Luxe et désormais consultant international à succès, me confiait récemment l’impact de petites inventions sur le quotidien opérationnel, une sorte d’effet papillon impactant notre secteur.
Ainsi, l’arrivée des valises à roulettes a privé les bagagistes d’une partie de leurs pourboires d’antan, les client.es trouvant ridicules de ne pas prendre en charge leurs valises devenues bien légères.
« Du jour au lendemain, j’ai vu les clients descendre de leurs véhicules et prendre directement en charge leurs valises, les bagagistes relégués au rôle d’accompagnant ! »
Et cette tendance à la baisse des pourboires pour la conciergerie devrait se renforcer avec le développement des Chiefs Customer Officer dont l’objectif, pour partie, est de préempter les activités périphériques de l’hôtel et faire du digital hôtel, son principal interlocuteur.
Philippe Damien évoque également une de ces nombreuses incohérences qu’il a pu observer dans certains hôtels : la mise à disposition d’un pèse-personne !
Le chemin de l’enfer est pavé de bonnes intentions
Si cette démarche peut sembler logique pour un hôtel à vocation médicale, thermale ou dans le cadre d’un geste en matière « d’hygiène alimentaire », quid de la présence d’un pèse-personne dans un hôtel proposant des points de vente multiples en matière de restauration ! À moins de changer le réglage de la balance et de faire disparaître 1 ou 2 kgs, ce geste privera certainement la restauration de quelques clients potentiels…
De la difficulté à diriger
Alors, à chaque innovation, chaque geste, le Directeur, pris entre l’exigence d’image de la marque, l’exigence opérationnelle et économique du propriétaire et/ou du tiers opérateur, se doit désormais de concilier durabilité (RSE) et rentabilité, qualité des prestations et fébrilité/versatilité des équipes et surtout, composer avec des clients qui, après la période « revenge travel », semblent désormais opter pour une « hôtellerie » différente. Décidément, diriger un établissement hôtelier en 2023 n’est pas une sinécure !
D’un battement d’ailes de papillon au blues des Managers.